Gervinho croit encore au sacre ivoirien
- Une décennie plus tard, le souvenir de la CAN 2015 reste intact pour Gervinho, entre fierté, joie et communion nationale.
- L’édition 2023 à domicile l’a marqué, notamment pour la force mentale démontrée par les Éléphants et la qualité de l’organisation.
- Regard tourné vers Maroc 2025, il juge l’équipe actuelle prometteuse, portée par un collectif fort et des individualités capables de faire basculer les matchs.
Dix ans après l’épopée de Bata, Gervais Yao Kouassi, plus connu sous le nom de Gervinho, n’a rien oublié. Ni la tension de la finale, ni la délivrance du dernier penalty, ni surtout l’explosion de joie d’un pays tout entier. Pour l’ancien international ivoirien, ce titre de 2015 (ndlr : victoire contre le Ghana 0-0 , 9 tab 8) reste l’un des moments les plus forts de sa carrière, un souvenir d’une intensité rare mêlant fierté, soulagement collectif et communion nationale. Aujourd’hui encore, il en parle avec une émotion intacte, comme si les images n’avaient jamais cessé de défiler dans son esprit.
Témoin privilégié de la dernière décennie des Éléphants, Gervinho a également vécu de près l’édition 2023 organisée en Côte d’Ivoire, une TotalEnergies CAF CAN hors norme marquée par un scénario fou, une résilience exceptionnelle et une ferveur populaire qui a impressionné tout le continent. L’ancien ailier a suivi chaque étape, chaque rebondissement, convaincu que cette équipe avait les ressources mentales pour renverser les obstacles et garder la coupe à la maison.
À l’heure où la Côte d’Ivoire se tourne vers l’édition 2025 avec l’ambition d’un nouveau sacre, Gervinho porte un regard à la fois lucide et optimiste sur les forces du groupe actuel. Il voit une équipe jeune, talentueuse, capable de se transcender dans les moments décisifs, soutenue par un véritable collectif et dirigée par un sélectionneur, Emerse Faé, dont il salue le travail et la constance. Comme un passage de témoin entre deux générations, l’Ivoirien croit dur comme fer que l’histoire peut s’écrire à nouveau.

CAFOnline.com : Dix ans ont passé depuis votre sacre continental. Quelles sont les premières images qui vous reviennent à l’esprit lorsque vous repensez à ce titre ?
Gervinho : La toute première chose, c’est la fierté. Une fierté immense, profonde. Ensuite, la joie, cette joie pure qu’on ressent rarement, même dans une carrière de footballeur. Et puis je revois le retour au pays… ces moments-là sont gravés à vie. Quand nous avons atterri et que nous avons vu tout ce peuple qui attendait ce trophée depuis des décennies, j’ai vraiment pris conscience que la Côte d’Ivoire avait besoin de ce titre. J’ai senti ce soulagement collectif. Revenir avec la coupe, c’était comme rendre au pays quelque chose qu’il attendait depuis si longtemps. Je ne pourrai jamais oublier ces images-là.
S’il y avait un instant de cette CAN 2015 que vous pourriez revivre, lequel choisiriez-vous ?
Je revivrais la finale, sans hésiter. Mais avant d’arriver à ce moment-là, il faut rappeler que nous avons eu un premier tour très compliqué. Le coach a joué un rôle essentiel : il a su nous remobiliser, trouver les mots, prendre des décisions fortes. Il a même changé un système que nous utilisions depuis longtemps.
On a vécu une vraie aventure humaine, avec des moments forts, des discussions, des prises de conscience. C’est ce qui a créé cette force collective qui nous a menés jusqu’au titre.
Ce carton rouge contre la Guinée (1-1), vous en parlez plus facilement dix ans plus tard…
Oui, avec le recul c’est toujours plus simple. Sur le moment, je l’ai très mal vécu, parce que j’avais l’impression de laisser mes coéquipiers tomber. Mais avec le temps, je me dis que ça a peut-être renforcé le groupe. Ce genre d’événement peut souder une équipe. Cela a calmé certains excès, obligé le coach, Hervé Renard, à revoir certaines choses, et moi, ça m’a poussé à revenir avec encore plus d’envie, plus de force. Finalement, un moment personnel difficile a servi à consolider l’équipe. C’est ça aussi le football.

La Côte d’Ivoire vient de remporter une CAN exceptionnelle à domicile. Comment avez-vous vécu cette édition ?
J’étais au pays et j’ai vécu cette CAN de très près. J’allais au stade pour chaque match de la Côte d’Ivoire, et je suivais les autres rencontres depuis la maison. Je dois dire que j’étais très fier de voir le pays organiser une compétition de ce niveau. Le président, Yacine Idriss Diallo, les autorités, tout le monde avait mis les moyens nécessaires pour que ce soit une CAN réussie, et c’est ce qui s’est produit.
Bien sûr, il y a eu des moments difficiles, mais l’équipe n’a jamais lâché. Elle s’est qualifiée dans la douleur, mais ensuite elle a montré qu’elle voulait garder la coupe à la maison. Et au final, le pays a vibré comme jamais. C’était magnifique à vivre, même en dehors du terrain.
Quelles différences voyez-vous entre votre génération et celle d’aujourd’hui ?
La différence est grande. Notre équipe avait une grande maturité, beaucoup d’expérience, des joueurs qui évoluaient depuis longtemps au plus haut niveau. Aujourd’hui, il y a plus de jeunesse, plus d’insouciance aussi. Le football a changé, il est plus rapide, plus exigeant.
La Côte d’Ivoire a toujours eu du talent, mais ce sont deux équipes complètement différentes. Chacune a ses qualités.
Quels sont, selon vous, les atouts majeurs de l’équipe actuelle ?
Il y a d’abord les individualités. En Côte d’Ivoire, on a toujours eu des joueurs capables de faire la différence seuls, des talents qui sortent naturellement du lot. Mais l’atout le plus important, c’est le collectif. Lors de la dernière CAN, on l’a vu : quand l’esprit collectif a pris le dessus, tout s’est aligné. Les individualités se sont mises au service du groupe, et c’est comme ça que l’équipe a avancé. J’ai aussi senti une motivation incroyable. Même en infériorité numérique, certains joueurs se transcendaient pour le pays. C’est ce qui m’a le plus marqué.

Que pensez-vous du travail réalisé par le sélectionneur Emerse Fae ?
Il mérite vraiment d’être félicité. Emerse vient de loin, personne ne s’attendait à ce qu’il réalise un tel parcours. Mais il ne faut pas oublier son staff, parce que c’est un travail collectif. Il a tenu des positions fortes, il a gardé sa ligne, et il a réussi à tirer le meilleur de ses joueurs dans des situations compliquées. Pour un coach, ce n’est jamais simple. Il a su maintenir l’équipe dans une dynamique positive, et il a su la sortir de moments très délicats. Ce qu’il a fait mérite beaucoup de respect.
La Côte d’Ivoire affrontera le Cameroun, le Gabon et le Mozambique, lors de cette TotalEnergies CAF CAN 2025. Comment jugez-vous ce groupe ?
En Afrique, tous les groupes sont difficiles. On a grandi avec cette réalité-là. On se connaît, on connaît les styles de jeu, on sait que rien n’est simple. Le plus important, c’est de passer le premier tour. Avec les qualités de l’équipe, je pense sincèrement qu’ils ont tout pour s’en sortir. Et puis, les gros matchs, ça motive toujours. Les jeunes adorent ces rendez-vous-là, ce sont ces matchs-là qui créent des grands joueurs.

Comment voyez-vous l’évolution tactique du football africain ?
Elle est réelle. La CAF met beaucoup de moyens, la FIFA aussi. Il y a de plus en plus de compétitions, surtout chez les jeunes, et ça permet à toutes les catégories d’être dans le rythme, de continuer à progresser.
Mais il faudrait que les championnats locaux soient plus réguliers. C’est essentiel pour que le football africain continue de grandir. Les joueurs africains en Europe n’ont pas de problème : ils ont toutes les infrastructures nécessaires. Mais ceux qui évoluent dans les championnats locaux n’ont pas toujours les mêmes conditions, et c’est là-dessus qu’il faut progresser : organisation, suivi, investissement.
Si on améliore ça, le niveau général va monter encore plus.
Pour conclure, quel titre aimeriez-vous lire dans les journaux après la prochaine CAN ?
“La Côte d’Ivoire, encore championne d’Afrique.” Ce serait la plus belle des récompenses.