Janet Kajumba : la femme qui donne vie à la pelouse du stade Mandela en Ouganda

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Au stade national Mandela de Kampala, là où les champions sont couronnés et où les rêves se brisent, une histoire plus discrète mais tout aussi puissante se déroule, en particulier pendant le Championnat d’Afrique des Nations TotalEnergies (CHAN) 2024.
Parmi le vacarme de la foule et les projecteurs éclatants, une femme se penche sur l’herbe avec la précision d’un chirurgien en salle d’opération.
Janet Kajumba, seule femme au sein de l’équipe d’entretien du terrain, redéfinit ce que signifie être gardienne du jeu.
Une voix discrète qui a trouvé sa scène
Il a fallu plusieurs semaines de persuasion pour que Janet accepte de raconter son parcours.
Réservée et peu à l’aise sous les projecteurs, elle ne s’est confiée qu’après les encouragements du directeur du stade, Jamil Sewanyana.
Mais lorsqu’elle a enfin parlé, son récit a pris vie avec une sincérité touchante.
« Oui, je peux répondre à vos questions maintenant », dit-elle avec un sourire timide, la voix posée, les yeux brillants.
Ce petit moment résumait tout ce que son travail quotidien incarne : résilience, détermination, et conviction de sa place dans le football.
L’herbe, la science, et le sport qu’elle aime
Janet est bien plus qu’une simple gardienne de pelouse. Titulaire d’un diplôme en agriculture obtenu à Kampala, elle allie la science et le sport d’une manière unique.
En 2023, elle a suivi une formation intensive de deux mois avec des spécialistes allemands sur l’entretien des terrains.
Cette expérience a fait d’elle l’une des rares femmes du continent techniquement qualifiées pour gérer des surfaces sportives selon les normes internationales.
«L’herbe, c’est comme n’importe quelle culture agricole », explique-t-elle simplement. « Si on en prend soin, elle prospère. Sinon, elle meurt. »
Pour les joueurs et les supporters, une pelouse impeccable va de soi. Mais pour Janet, chaque brin d’herbe représente une responsabilité — et une exigence d’excellence.
Combattre les stéréotypes dans un monde d’hommes
Quand Janet a rejoint l’équipe d’entretien, le scepticisme et les murmures étaient présents. Pourrait-elle relever les défis physiques et techniques d’un métier majoritairement masculin ?
«Beaucoup doutaient que je puisse y arriver », se souvient-elle. « Mais moi, je savais ce dont j’étais capable.»
Pas à pas, jour après jour, elle a fait ses preuves.
Aujourd’hui, elle supervise des opérations allant de la tonte et la fertilisation à la réparation des zones abîmées et au traçage du terrain.
Pendant le CHAN 2024, coorganisé par l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya, son expertise a permis au stade Mandela de répondre aux exigences élevées de la CAF.
«Chaque ligne que je trace, chaque mètre carré que j’entretiens, je le fais avec conviction », affirme-t-elle.
Entre pelouse et maternité
En dehors du stade, Janet porte une autre casquette — celle de mère. Maman d’un bébé de trois mois, ses journées commencent bien avant le lever du soleil, entre tâches domestiques et préparation d’un stade accueillant une compétition internationale.
«Ce n’est pas toujours facile, mais avec de l’organisation et du soutien, tout est possible », dit-elle.
Son mari et sa famille forment un véritable pilier, lui permettant de se consacrer pleinement à son travail lors des tournois.
Mais Janet reconnaît que, dans son rôle, il faut souvent en faire deux fois plus pour se faire accepter. « J’ai l’impression de devoir travailler deux fois plus dur pour prouver ma valeur, mais cela me rend plus forte. »
Un modèle pour la prochaine génération Africaine
Janet ne veut pas seulement entretenir les terrains ; elle veut ouvrir la voie. Elle croit profondément en l’éducation et en les opportunités pour les femmes.
«Ne laissez pas les stéréotypes freiner vos rêves», dit-elle aux jeunes filles africaines.
«Travaillez dur, soyez disciplinées, et croyez en votre potentiel. Le chemin que vous tracez aujourd’hui facilitera le passage de celles qui viendront après vous.»
Son rêve est de devenir l’une des grandes spécialistes africaines du gazon sportif, et de former une nouvelle génération d’experts — hommes et femmes — pour élever les standards du continent.
«La diversité nous rend plus forts. Nous avons besoin de plus de femmes dans ce domaine, car ensemble, nous pouvons accomplir des choses incroyables.»
Bien plus qu’une simple technicienne
Sur la pelouse impeccable du stade Mandela — où se jouent des finales, se célèbrent des buts et renaissent des rêves — se cache l’héritage discret de Janet.
Elle est bien plus qu’une intendante du gazon. Elle est une pionnière, une mentor en devenir, et un symbole de la manière dont les femmes africaines brisent les barrières, en silence mais en profondeur.
Son histoire prouve que les héros ne naissent pas seulement sur le terrain. Parfois, ce sont ceux qui préparent le terrain qui rendent les exploits possibles.