À la conquête de sa place à la table : l’irrésistible ascension de Clémentine Touré

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Clémentine Touré a bâti sa vie autour du football – de ses premiers pas en Côte d’Ivoire et au Ghana à ses exploits comme entraîneure sur les plus grandes scènes du continent africain. Lorsqu’elle parle de football, c’est comme si elle évoquait un pacte sacré, bien plus qu’un simple sport.

« Le football, c’est ma vie. Il m’a tant donné. Je joue depuis l’enfance, et j’ai travaillé dur pour devenir entraîneure et développer mes compétences. Sans le football, je ne sais pas ce que je ferais aujourd’hui. C’est ma passion, je l’aime profondément. »

Ce ne sont pas de simples paroles : c’est le manifeste vibrant d’une âme fusionnée à ce jeu magnifique.

Dans les académies d’entraîneurs au Maroc, où se dessine le futur du football africain, Touré incarne à la fois l’élève appliquée et la pionnière. Sa quête de la Licence Pro CAF dépasse le cadre d’un développement professionnel : c’est un acte militant, une affirmation selon laquelle l’excellence n’a pas de genre.

« J’ai eu la chance d’avoir de nombreuses opportunités, et j’en suis reconnaissante. Je travaille actuellement sur ma Licence Pro CAF au Maroc, et je suis fière d’être l’une des rares femmes en Afrique à poursuivre cette certification. »

Ces mots portent en eux les rêves de milliers de femmes à travers le continent. Dans un monde où les obstacles surgissent aussi vite qu’ils disparaissent, elle avance avec la confiance calme de celles qui savent que les révolutions les plus durables commencent souvent par l’éducation.

 

 

 

Guinée équatoriale. Une nation qui faisait ses premiers pas dans le football… de la manière la plus éclatante qui soit. Lorsque Touré a brandi le trophée de la CAN en 2008, elle ne célébrait pas seulement une victoire : elle proclamait l’aube d’une ère nouvelle.

« Mon plus beau souvenir, c’est d’avoir remporté la Coupe d’Afrique des Nations avec la Guinée équatoriale en 2008, » se souvient-elle avec une émotion intacte. « Arriver dans un pays, travailler dur et gagner – c’est le rêve de tout entraîneur. Ce moment-là était unique, exceptionnel. C’était incroyable pour la Guinée équatoriale.
Nous débutions à peine, et remporter ce tournoi a montré que nos efforts avaient porté leurs fruits. C’était un rêve devenu réalité, pour les joueuses, pour moi, pour tout un pays. »

Même ses réussites ultérieures – comme qualifier la Côte d’Ivoire pour la CAN féminine et la Coupe du Monde FIFA 2015 – semblent s’incliner devant la magie de ce moment d’or. Certaines victoires, trop parfaites, restent inégalables.

Mais le terrain de Clémentine Touré dépasse aujourd’hui la quête de gloire personnelle. Elle peint désormais à plus large échelle, avec une vision continentale nourrie par la passion autant que par la lucidité.

« Je ne me contente pas de participer aux compétitions. Le rêve de toute sélection nationale, c’est d’atteindre les phases finales de la CAN, là où l’on peut véritablement mesurer son niveau. Ne pas se qualifier fait mal et laisse un goût amer. »

Sa critique frappe juste car elle vient du cœur – celui de quelqu’un qui a vu de ses yeux ce que l’on peut accomplir quand l’engagement rencontre l’opportunité.

« Les pays africains et leurs fédérations doivent vraiment donner la priorité au football féminin. Il faut un soutien réel. Certains prétendent le faire, mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut dépasser ces discours et suivre l’exemple de la CAF, qui œuvre concrètement pour promouvoir le football féminin. »

La vision de Touré pour le football féminin africain ressemble à celle d’une architecte : précise, ambitieuse et pensée pour durer.

« Il faut soutenir le football féminin à tous les niveaux, en commençant par les clubs. Il faut les accompagner, car ce sont eux qui possèdent l’expérience de terrain avec les joueuses. Des championnats réguliers doivent être organisés, et les joueuses doivent être reconnues à leur juste valeur.
Les sélections nationales aussi doivent pouvoir disputer plus de matches amicaux pour évaluer leur niveau et se préparer. Nous, entraîneurs, avons parfois du mal à organiser ne serait-ce qu’un seul match amical en deux ans, ce qui rend l’évaluation des joueuses très difficile. »

Son appel résonne avec l’urgence de celle qui sait que le temps peut être à la fois un allié et un adversaire.
« C’est le message que j’adresse à toutes les fédérations. Et j’espère qu’elles le prendront au sérieux. »

Aujourd’hui, alors qu’elle se trouve à un nouveau carrefour de sa carrière, le regard de Clémentine Touré se tourne vers un horizon encore plus audacieux : entraîner une équipe nationale masculine.
Un rêve qui aurait semblé irréalisable à la jeune fille qu’elle était sur les terrains poussiéreux, mais qui paraît presque inévitable pour la femme qu’elle est devenue.

« Je crois que c’est possible », affirme-t-elle avec l’assurance de celle qui a déjà bousculé les règles établies. « Je partage avec vous ce rêve : mon objectif est d’entraîner un jour une équipe masculine. Pourquoi pas ? Si nous sommes capables de former des entraîneurs et de développer le jeu, pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas aussi diriger des équipes masculines ? »

Pour elle, la transition a déjà commencé.

« C’est le même sport. Les femmes peuvent réussir au plus haut niveau. Nous avons les connaissances, l’expérience et la confiance. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est la confiance des autres. Quand elle viendra, les femmes relèveront le défi – et elles réussiront. »

Avec son palmarès éprouvé et sa vision assumée, Clémentine Touré continue de faire bouger les lignes du football africain. Et si l’on se fie à son parcours, sa prochaine conquête historique n’est plus très loin.

« Dans l’ensemble, je suis fière de faire partie de cette communauté du football, et j’ai hâte de voir comment ce sport va continuer à se développer en Afrique. »

Dans ces mots réside peut-être la meilleure définition de Clémentine Touré : non comme quelqu’un qui a conquis le jeu, mais comme quelqu’un qui s’y est abandonnée corps et âme, pour se transformer en quelque chose de plus grand qu’elle-même. Elle est devenue à la fois le pont et la destination, la question et la réponse à ce que peut devenir le football africain lorsqu’il ose rêver sans limite.

Son histoire s’écrit encore, chaque chapitre plus audacieux que le précédent. Et si elle nous a appris une chose, c’est bien que les plus beaux rêves sont souvent ceux qui paraissaient impossibles – jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus.