À Mohammédia, la Zambie et la RD Congo ont chanté à l’unisson

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Dans un stade El Bachir plein de ferveur pour sa dernière soirée de compétition dans cette CAN Féminine CAF TotalEnergies 2024, les supporters de la Zambie et de la RD Congo ont offert un moment rare : un match de football transcendé par une communion populaire à couper le souffle. Et au cœur de cette soirée magique, un éclair. Le but de Rachael Kundananji à la 9e minute. Un geste de classe mondiale, dans un écrin transformé en volcan sonore.

Un but, une clameur

Le match n’avait pas encore trouvé son rythme que la buteuse zambienne frappait déjà. À la 9e minute, sur un coup franc direct glissé par celle que les supporters zambiens surnomment “Kunda”, Rachael Kundananji n’a laissé aucune chance à la gardienne congolaise Ruth Kashala. 1-0 pour la Zambie.

« C’est un but comme elle sait les faire », commentera à la fin du match la sélectionneuse zambienne Nora Häuptle. « Elle n’a besoin que d’une demi-seconde. Je suis fière de la manière dont elle porte l’équipe, toujours avec cette simplicité, cette efficacité, et surtout cette énergie. »

Le but réveilla instantanément les tribunes vertes et oranges du virage sud. Les supporters zambiens, venus en nombre avec drapeaux, percussions et vuvuzela, faisaient trembler les gradins. « Chipolopolo, Chipolopolo, Zambia ni moto moto ! » (Zambie, c’est le feu feu !) criaient-ils à l’unisson en swahili.

La réponse du peuple congolais : tambours, foi et lingala

Mais en face, les fans de la RD Congo n’étaient pas en reste. Drapés en rouge, bleu et jaune, les Congolais avaient eux aussi préparé leur partition. Et c’est avec une puissance collective remarquable qu’ils ont répondu, relançant les chants avec tambours et vuvuzelas.

« Congo na biso, tokolinga yo seko ! » (Notre Congo, nous t’aimerons toujours !)
« Fimbo na fimbo ! » (Coup pour coup !) Les mots résonnaient fort, portés par des centaines de poitrines passionnées. Les gradins semblaient se répondre d’un virage à l’autre, dans un duel musical parallèle au combat sur la pelouse.

Sur le terrain, les Léopards Dames ont tenté de réagir. Grâce à la puissance de Naomie Kaba Kaba et à la technique de Merveille Kanjinga, les Congolaises ont terminé la première mi-temps en dominant la possession, sans toutefois parvenir à véritablement inquiéter Petronela Musole.

Une deuxième période tendue, portée par les tribunes

Au retour des vestiaires, la tension était palpable. La Zambie, en tête au tableau d’affichage, gérait son avance. Kundananji redescendait pour créer des décalages, tandis que le milieu composé de Lungu et Nuchula bouchait les espaces.

Les Congolaises, elles, poussaient. Et les chants continuaient : « Tokolanda yo Congo ! » (Nous te suivrons, Congo !). Dans le bloc des Léopards Dames, les femmes dansaient, les hommes battaient des mains. C’était une fête malgré tout, même si le tableau d’affichage refusait de bouger.

À la 68e minute, la meilleure occasion congolaise surgit : une frappe lointaine d’Olga Massombo, détournée en corner par une belle envolée de Petronella Musole. Le banc congolais s'était levé comme un seul homme. Mais l’égalisation ne venait toujours pas.

Nora Häuptle : « On a été solidaires, et c’est la clé »

À l’issue de la rencontre, Nora Häuptle affichait un sourire en coin. Son équipe n’a pas toujours maîtrisé le match, mais elle l’a gagné avec détermination et s’est qualifiée pour les quarts de finale.

« Ce que j’ai aimé, c’est la discipline. On savait que la RD Congo allait pousser, et on a défendu en équipe. Rachael a été décisive, mais c’est tout le groupe qui a résisté. Et surtout : quel soutien de nos fans aujourd’hui ! C’était comme jouer à Lusaka. »

La technicienne suisse, habituellement discrète, n’a pas caché son émotion devant le spectacle offert par les tribunes : « Je n’avais jamais vu une telle ambiance à El Bachir. Voir nos supporters et ceux de la RD Congo se répondre en musique, avec autant de respect… C’est aussi cela, cette CAN. Une fierté pour nous tous »

Hervé Happy : « On a perdu sur un détail »

Du côté congolais, la frustration se mêlait à la dignité. Hervé Happy, le sélectionneur des Léopards Dames, regrettait le manque de réalisme mais saluait l’état d’esprit de ses joueuses : « C’est un match qu’on ne doit pas perdre. Mais on a pris un but tôt et on a couru après le score. Nos filles ont donné tout ce qu’elles avaient. Je retiens l’envie, l’audace et le courage. » Interrogé sur l’ambiance exceptionnelle, Happy esquissa un sourire : « C’était exceptionnel. Les supporters nous ont portés. J’ai entendu des chants que je n’avais plus entendus depuis les stades de Kinshasa… Ça, c’est le Congo. Même dans la défaite, on chante. Et je suis sûr qu’on reviendra plus forts. »

La plus belle nuit d’El Bachir

Dans ce stade de Mohammédia, théâtre de plusieurs rencontres du Groupe A, le duel entre la Zambie et la RDC restera comme l’apogée émotionnelle du tournoi dans cette enceinte. Non pas pour le score (1-0), mais pour ce qu’il s’est passé autour.

Les supporters des deux camps sont restés longtemps après le coup de sifflet final. Ils ont échangé des chants, des sourires, des danses, et même des selfies avec les joueuses. Certains ont improvisé une ronde mixte aux abords de la tribune principale. « Ce soir, j’ai vu l’Afrique que j’aime », résume Joëlle, étudiante congolaise installée à Casablanca. « Des sœurs, des frères, des chansons et du football. Ce n’était pas un simple match. C’était une célébration. »

Et pendant que les projecteurs s’éteignaient doucement sur la pelouse d’El Bachir, les voix, elles, continuaient de résonner. Un but a suffi. Mais ce soir-là, à El Bachir, c’est tout un stade qui a gagné. Gagné en intensité, en volume, en émotion pure. Dans les tribunes, la Zambie et la RD Congo se sont rendues coup pour coup, chants contre tambours, sourires contre silences. Sur le terrain, Kundananji a frappé, et les Copper Queens ont tenu. Le score est resté figé, mais la mémoire, elle, est pleine.