Aïssata Traoré (Mali): “Durant notre absence, on a jamais douté”

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  • Sept ans après la dernière CAN du Mali, Aïssata Traoré revient avec le feu au ventre et une idée en tête : prouver que l’histoire de 2018 n’était qu’un début
  • À 27 ans, elle conjugue maturité et tranchant, elle sera au Maroc en pleine possession de ses moyens, portée par une régularité qui impressionne
  • Face aux championnes d’Afrique sud-africaines, au Ghana et à la Tanzanie, la numéro 10 malienne sait que chaque ballon comptera

Elle a le regard franc, la parole directe et les crochets qui font basculer un match. À 27 ans, Aïssata Traoré n’est plus seulement l’avenir du football malien, elle en est le présent. Elle s’apprête à retrouver la scène qu’elle n’aurait jamais voulu quitter : la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies. Sept ans après l’épopée de 2018 au Ghana, conclue sur une historique demi-finale, l’attaquante de Fleury revient avec un objectif assumé : emmener les Aiglonnes plus haut encore.

Passée par Guingamp pendant cinq saisons, elle a franchi un cap depuis son arrivée à Fleury à l’été 2024. Dans un effectif ambitieux, elle s’est rapidement imposée comme l’arme principale du front offensif : 9 buts et 4 passes décisives en 20 matchs de D1 Arkema, dont 19 titularisations. Des statistiques qui parlent, mais qui ne disent pas tout de son impact : son jeu sans ballon, sa capacité à faire jouer les autres et sa volonté de défendre font d’elle une joueuse complète.

L’internationale malienne connaît les tourments et la fierté que procure le maillot national. Elle n’a pas oublié la frustration de 2022, lorsque le Mali, non qualifié, a regardé la CAN depuis le canapé. Elle a préféré transformer ce vide en énergie. « Personne n’a douté », lâche-t-elle aujourd’hui avec calme. « Quand on travaille bien, il n’y a pas de place pour le doute. »

Et le Mali a bien travaillé. Qualifiée dans le Groupe C, aux côtés de l’Afrique du Sud, du Ghana et de la Tanzanie, la sélection malienne sait qu’elle n’aura pas de round d’observation. Pour Aïssata Traoré, ce sera l’heure de vérité. Elle portera une ligne d’attaque redoutée, avec notamment Agueicha Diarra. Ensemble, elles symbolisent la renaissance d’une génération trop longtemps éloignée du plus haut niveau africain.

À l’aube de la CAN 2025, Aissata Traoré partage ses ambitions et objectifs dans cet entretien avec CAFOnline.com.


CAFOnline.com : Vous étiez présente lors de la dernière campagne du Mali à la CAN Féminine, en 2018 au Ghana. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Aïssata Traoré : Je garde un très bon souvenir, un très beau souvenir même. On avait atteint la demi-finale de la compétition, ce qui était une première pour la plupart d’entre nous. Cela reste une expérience très positive, marquante.

Lors de la dernière édition, en revanche, le Mali n’était pas qualifié. Comment avez-vous vécu cette absence, en tant que joueuse internationale ?

C’était très frustrant. J’aurais voulu jouer cette CAN, mais malheureusement, on n’a pas pu se qualifier. Regarder les autres équipes à la télévision, depuis la maison, c’était vraiment avec beaucoup d’amertume. Ce n’est pas une sensation facile à vivre.

Sept ans après, le Mali signe un retour remarqué à la CAN. Que représente ce retour pour vous, et quelles en sont, selon vous, les raisons ?

Ce retour signifie que nous n’avons jamais cessé de travailler. Après notre dernière participation, on a continué à avancer ensemble. Personne n’a lâché. Il y a eu beaucoup de solidarité dans le groupe. On savait que se qualifier allait être difficile, mais on a continué à s’écouter, à se battre, à travailler. Et cela a fini par porter ses fruits. Ce retour à la CAN est donc une grande satisfaction.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile durant cette période de reconstruction ? Avez-vous parfois douté de revoir le Mali à ce niveau ?

Honnêtement, non. Nous sommes une grande nation du football féminin en Afrique. Terminer quatrième en 2018, ce n’était pas un hasard. Alors oui, on s’est dit qu’il fallait revenir, qu’on ne pouvait pas rester absentes. Personne n’a douté. Et quand on travaille bien, il n’y a pas de place pour le doute.

En quoi cette CAN à venir est-elle différente de celle que vous avez disputée en 2018 ?

Elles sont très différentes. En 2018, c’était ma première CAN. J’y ai acquis énormément d’expérience et vécu beaucoup d’émotions. Aujourd’hui, je reviens avec cette expérience en plus, mais aussi entourée de nouvelles joueuses qui vont nous apporter beaucoup. Et puis le contexte est différent : en 2018, c’était au Ghana, cette fois c’est au Maroc. Pays différents, cultures différentes… On devra s’adapter, mais on est prêtes.

Le Mali est dans le Groupe C avec l’Afrique du Sud, le Ghana et la Tanzanie. Quelles sont vos impressions sur ce groupe ?

C’est un groupe très relevé. Chaque équipe va jouer sa partition. Il n’y a pas de favori, tout le monde peut se qualifier, tout le monde peut aussi sortir dès la phase de groupes. L’important, ce sera d’aborder la compétition de la meilleure des manières, dès le premier match, peu importe l’adversaire. Il faudra être prêtes à tout donner.

Quelles sont les ambitions du Mali pour cette CAN 2025 ?

Le Mali est un pays ambitieux. Si on s’est qualifiées, ce n’est pas pour faire du tourisme. On veut aller le plus loin possible dans cette compétition. Cela commence par bien gérer les premiers matchs. Ensuite, on avancera étape par étape. Mais oui, notre objectif est d’aller loin.

Offensivement, le Mali dispose de nombreux atouts en attaque. Comment décririez-vous votre complémentarité offensive ? Et vous, qu’avez-vous envie d’apporter à cette équipe ?

J’ai envie d’être la plus décisive possible. Apporter beaucoup sur le plan offensif, mais pas seulement. Une bonne attaque commence aussi par une bonne défense. Donc je veux aussi aider dans ce secteur. Être présente dans les deux surfaces, être efficace dans les deux zones. Car on est une équipe. Et pour aller loin, il faut marquer beaucoup… et encaisser peu, voire rien du tout. C’est sur cet équilibre qu’on va se concentrer.

Vous avez une vraie vision du jeu. On sent presque la future coach en vous…

(Rires) Oui, peut-être une future coach. Pourquoi pas !

Enfin, si vous pouviez parler à la petite Aïssata d’il y a dix ans, celle qui touchait ses premiers ballons dans la rue, que lui diriez-vous ?

Je lui dirais de prendre du plaisir. De jouer comme une enfant, sans calculer, juste pour le plaisir. De ne pas trop écouter ce qui se dit autour, de rester concentrée sur sa passion. Parce qu’au fond, jouer au football, c’est une passion, et ce n’est pas donné à tout le monde. Donc oui, juste profiter, jouer avec les copines dans la rue, c’est ça qui est important.