Aziza Rabbah, l’éternelle sentinelle

À 39 ans, Aziza Rabbah a livré samedi soir une prestation défensive majuscule, permettant au Maroc de s’imposer face au Sénégal (1-0) et de valider la première place du Groupe A. Élue Joueuse du Match TotalEnergies, la capitaine d’AS FAR a rappelé à tous qu’elle n’est pas seulement une vétérane, mais une institution du football féminin marocain.
Toujours debout
Alignée d’entrée, Rabbah a dirigé la défense avec autorité et sang-froid. En 90 minutes, elle a réussi 45 passes, réalisé deux tacles cruciaux, concédé une seule faute, et surtout offert au Maroc son premier clean-sheet du tournoi. Une performance pleine de maîtrise, saluée par un trophée de joueuse du match qu’elle a immédiatement dédié au collectif :
« Honnêtement, ce n’est pas une récompense individuelle. C’est toute l’équipe qui a gagné ce soir. Je ne m’y attendais pas, mais ça signifie beaucoup pour moi à ce stade de ma carrière. »
La revanche d’une grande absente
Longtemps cadre des Lionnes de l’Atlas, Rabbah n’a pas toujours eu la reconnaissance qu’elle méritait. Sélectionnée en 2022 pour la CAN à domicile — à 36 ans, déjà la doyenne du groupe — elle n’avait disputé aucune minute lors de la formidable épopée vers la finale. Un an plus tard, elle était absente de la liste pour la Coupe du monde en Australie et Nouvelle-Zélande. Un coup dur.
Mais Rabbah ne s’est pas découragée. Elle est restée prête, constante à l’entraînement, exemplaire en club. En 2024, son retour dans le onze de départ n’a rien d’un hommage sentimental : il est mérité.
« J’ai donné le meilleur de moi-même. Je suis la plus âgée, oui, mais je travaille comme les autres. Merci à mes coéquipières, à ma famille qui me soutient et à l’entraîneur pour sa confiance. »
Un roc dans la tempête
Face à des Sénégalaises solides, agressives et bien organisées, le Maroc a dû faire preuve de patience. Et c’est autour de Rabbah que tout s’est structuré. Elle a joué juste, parlé fort, anticipé les dangers. Jorge Vilda, le sélectionneur espagnol des Lionnes, n’a pas tari d’éloges :
« Aziza, c’est l’expérience. Elle apporte énormément par sa présence, sa lecture du jeu. C’est une joueuse de très haut niveau. Je suis heureux pour elle. »
Le poids des années, la grâce du geste
Née à Rabat, formée au FC Berrechid, Rabbah collectionne les titres comme d'autres les brassards. Avec l’AS FAR, elle a remporté 11 Championnats du Maroc (entre 2013 et 2024), 11 Coupes du Trône, une Ligue des champions africaine en 2022, deux titres UNAF (2021, 2024) et deux troisièmes places continentales (2021, 2023). Élue meilleure joueuse du championnat marocain en 2014, elle figure aussi dans l’équipe-type de la Ligue des champions féminine de la CAF 2022.
Sous le maillot national, elle est là depuis 2006. CAN, qualifications Coupe du Monde, JO... Elle a tout connu, ou presque. Et reste encore aujourd’hui une titulaire fiable, une leader silencieuse.
Un match, un message
Contre le Sénégal, elle n’a pas seulement défendu. Elle a inspiré. Sur chaque dégagement, chaque duel gagné, Rabbah montrait la voie. Malgré les occasions manquées de ses coéquipières, elle est restée concentrée sur l’essentiel :
« On aurait pu marquer plus, oui. Mais on a su tenir, et c’est ça le plus important. Les trois points sont là, on termine premières. On est fières. »
Le Maroc peut encore rêver
Le Maroc monte en puissance dans cette CAN 2024. Et dans le vestiaire, l’expérience d’Aziza Rabbah est un phare. Sa longévité, sa rigueur, sa loyauté — envers le maillot et le groupe — en font plus qu’une joueuse. Elle est un repère.
« Ça me touche, surtout à ce stade de ma carrière », a-t-elle confié après la remise de son trophée.
Et s’il faut aller chercher ce titre qui avait échappé aux Lionnes en 2022, elles savent désormais qu’elles peuvent compter sur une tour de contrôle, debout, droite, inoxydable : Aziza Rabbah.