Barbra Banda (Zambie) : “L’Afrique est mon socle”

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  • Première joueuse à inscrire deux triplés consécutifs aux Jeux Olympiques, Barbra Banda ne cesse de repousser les limites
  • À quelques semaines de la CAN Féminine CAF TotalEnergies 2024, la capitaine de la Zambie revient sur son lien viscéral avec l’Afrique
  • Dans cet entretien exclusif à CAFonline.com, la Meilleure Joueuse Africaine de l’année 2024 se confie avec lucidité sur ses rêves de trophée et l’héritage qu’elle veut transmettre

Elle a inscrit son nom dans les livres d’histoire à coups de triplés. De Tokyo à Paris, en passant par le Mondial et les pelouses américaines, Barbra Banda empile les records avec un naturel déconcertant. Sur le terrain, elle ne marque pas seulement des buts : elle bouscule les repères, renverse les hiérarchies, redéfinit les standards. Puissante, déterminée, intuitive, la capitaine des Copper Queens symbolise une nouvelle ère du football féminin africain : libérée, audacieuse, portée par une ambition sans limite.

À 25 ans, elle est déjà la meilleure buteuse de l’histoire de la Zambie. Elle a fait trembler les filets en Coupe du Monde, inscrit le 1000e but de l’histoire du tournoi contre le Costa Rica, et posé ses valises dans le championnat américain avec une efficacité déconcertante. Mais pour celle qui a été élue Meilleure Joueuse Africaine lors des derniers CAF Awards, la consécration ultime ne se trouve pas dans les projecteurs du monde. Elle se niche dans ses racines. « Je suis africaine. Ce continent, c’est mon socle », confie-t-elle sans détour. C’est donc en Afrique, sur les pelouses de la prochaine CAN Féminine CAF TotalEnergies 2024 au Maroc, qu’elle veut confirmer son statut. Non pas pour la gloire personnelle, mais pour la Zambie, pour son peuple, pour l’histoire.

Avant d’entrer dans l’arène, la numéro 11 des Copper Queens s’est confiée à CAFonline.com, avec la franchise et la lucidité qu’on lui connaît. Retour sur un parcours hors normes, une ambition intacte et une CAN qui pourrait bien la faire entrer dans la légende.


CAFonline.com : À Tokyo, lors des Jeux Olympiques, vous êtes devenue la première joueuse de l’histoire à inscrire deux triplés consécutifs. Et vous avez remis ça face à l’Australie à Paris. Est-ce que vous réalisez vraiment ce que vous avez accompli ces jours-là ?

Barbra Banda : Franchement, tout part du travail. Quand je repense à Tokyo 2021, ces deux triplés d’affilée, c’est le fruit d’un énorme engagement, du soutien du groupe, du staff, de la Fédération zambienne... Ce n’était pas simple. On arrivait dans cette compétition sans statut, c’était notre première participation. On n’a pas passé les poules, mais collectivement, on a montré un très beau visage. Et oui, marquer deux triplés coup sur coup, c’était fort. Même à Paris, contre l’Australie, j’ai encore trouvé le chemin des filets. On progresse. La Zambie d’aujourd’hui, ce n’est plus la même. On a enchaîné les qualifications à de grands tournois, et ça montre qu’on est en train de bâtir quelque chose de solide.

Et malgré tout cela, malgré les records, est-ce que vous jouez encore avec cette même liberté ?

Bien sûr. C’est ma façon de jouer. Je suis libre sur le terrain parce que j’aime ce que je fais. Et je continue à bosser pour m’améliorer. Mon objectif, c’est de toujours en faire plus, toujours progresser. Je reste concentrée sur mon jeu.

Vous vous êtes bâtie une réputation bien au-delà du continent : vos exploits aux JO, le 1000e but de l’histoire en Coupe du Monde contre le Costa Rica, et une entrée fracassante dans le championnat américain. Mais c’est sur le sol africain, lors de la prochaine CAN au Maroc, que vous devrez assumer votre statut de reine du continent. Ressentez-vous une attente particulière quand vous jouez en Afrique ?"

Pas du tout. Je suis africaine. Je viens de ce continent, je l’aime profondément. J’ai grandi ici, j’ai joué ici. Et si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à l’Afrique. Ce continent, c’est mon socle. Donc je ne ressens pas de pression particulière. Jouer ici, c’est naturel. C’est ma maison.

Vous êtes devenue la meilleure buteuse de l’histoire des Copper Queens à seulement 25 ans. Qu’est-ce qui vous pousse à aller toujours plus loin ?

Quand je regarde d’où je viens, je sais que j’ai encore beaucoup à donner. Le foot féminin a tellement évolué en Zambie. Et si je marque autant, ce n’est pas juste moi : c’est tout un collectif. On dépend des autres. Pour marquer, il faut qu’une coéquipière me fasse la passe. Donc je tire mon chapeau à toutes les filles, au staff, aux coachs... Leurs conseils sont essentiels pour bien jouer, pour faire les bons choix devant le but. C’est une progression collective. Et même si j’ai déjà accompli pas mal de choses à 25 ans, je sais que je peux encore franchir des paliers.

S’il y avait un seul but à retenir, un que vous n’oublierez jamais ?

J’en ai marqué pas mal (rires), mais celui contre l’Allemagne… et celui face à l’Australie. Deux frappes que je garde dans un coin très spécial de ma mémoire.

Parlons de la CAN féminine. La Zambie est dans le Groupe B avec le Maroc, la RD Congo et le Sénégal. Quelles sont vos impressions ?

C’est un groupe solide, avec beaucoup de défis. Mais c’est ce qu’on veut : du challenge. On ne sous-estime personne. Le foot féminin africain a énormément évolué. On se concentre sur nous, sur notre jeu. Et cette année, on veut franchir un cap. On vise le titre. Lors de la dernière CAN, on avait terminé troisièmes. Cette fois, on veut aller jusqu’au bout. On veut écrire l’histoire.

Et dans ce groupe, il y a le Maroc. Une équipe que vous connaissez bien. Une rivalité semble s’installer entre vos deux nations. Ce match aura-t-il une saveur particulière ?

C’est vrai qu’on a affronté le Maroc plusieurs fois. Mais on ne se repose pas sur le passé. Le Maroc progresse vite. Ce sera un tout autre match. Ce sera chez elles, donc plus compliqué encore. On se prépare pour un tout nouveau défi. Et on est prêtes.

Le grand changement dans votre sélection, c’est aussi l’arrivée d’une nouvelle sélectionneuse : Nora Häuptle. Comment se passe la collaboration ?

On garde beaucoup de respect pour notre ancien coach, Bruce Mwape. Il nous a emmenées loin, dans beaucoup de compétitions majeures. Il fait partie de notre histoire. Coach Nora s’intègre très bien, elle s’adapte à notre culture. On a déjà joué deux matchs amicaux, dont un contre le Malawi. On construit une équipe puissante. Elle partage notre passion pour le pays. Elle fait du très bon boulot, et on répond bien à ses attentes. Il y a une bonne alchimie.

Et si vous deviez soulever cette CAN ? Que représenterait ce titre continental pour vous ?

Ce serait indescriptible. Chaque pays rêve de remporter cette Coupe. C’est la plus grande d’Afrique. Ce serait énorme pour nous, pour notre mère patrie, la Zambie. On veut le faire pour notre drapeau, pour notre peuple, nos supporters, tous ceux qui croient en nous. Ce serait un moment immense.

Que diriez-vous, aujourd’hui, à la petite Barbra Banda qui jouait dans les rues de son quartier ?

Je lui dirais : crois en toi. Ne lâche rien. Il y aura toujours des critiques, mais ce qui compte, c’est la concentration, la détermination. Le travail paie. Ne t’attarde pas sur ce que disent les gens sur les réseaux ou ailleurs. Crois en ton talent, et tu verras jusqu’où ça peut te mener.