CAN Féminine : Mama Diop, une lionne incandescente

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Il a suffi de deux éclairs. Deux frappes sèches, un jeu de corps félin, une emprise totale sur la surface adverse. En une heure de jeu, Mama Diop a métamorphosé le rectangle vert du stade El Bachir de Mohammédia en territoire sous contrôle. Face à la République Démocratique du Congo (4-0), l’attaquante sénégalaise n’a pas seulement brillé : elle a irradié, électrisé les tribunes et foudroyé la défense congolaise. Élue Joueuse du Match TotalEnergies, la Lionne de 30 ans a offert un récital aux allures de manifeste. 

Un air de Rashidi Yekini

Il y a dans le style de Mama Diop quelque chose d’intemporel. Une manière très particulière de sentir le but. De hanter la surface. De faire peser sa stature (1m85) comme une menace constante. Puissante, rageuse, tranchante dans ses appels, implacable dans le dernier geste, l’ancienne du RC Lens semble habitée par une mémoire collective. Celle des grands neufs africains. Celle de Rashidi Yekini.

 

 

« Je ne l’ai pas connu mais je sais que Rashidi Yekini, c’est une légende », souffle-t-elle, regard droit et sourire en coin. « Si mon style peut lui ressembler, c’est un immense honneur. Mais moi, je veux écrire mon propre chapitre. »

Le parallèle saute aux yeux. Comme Yekini, buteur mythique du Nigeria et auteur du premier but des Super Eagles en Coupe du Monde (1994), Mama Diop ne fait pas dans la dentelle. Elle n’embellit pas. Elle détruit. Son jeu est frontal, vertical, brut. Elle ne dribble pas pour séduire, elle élimine pour frapper. Regard fixe, démarche assurée, elle marche vers le but comme un fauve vers sa proie.

« J’aime sentir que je fais peur dans la surface », lâche-t-elle, sans détour. « C’est là que je me sens vivante. Là où je peux tout donner. »

L’entraîneur des Lionnes, Mame Moussa Cissé, ne cache pas son admiration : « C’est une joueuse qui attire tout le monde. Une force gravitationnelle. Elle impose un respect immédiat. Et quand elle est dans un bon jour, ça se voit tout de suite. »

Le silence et la rigueur

Dans le vestiaire, on ne l’entend pas souvent. Mais on la regarde toujours. Mama Diop est de celles qui parlent peu et frappent fort. Première à l’échauffement, dernière à quitter la salle de musculation. Une professionnelle obsessionnelle, à l’écoute, disciplinée, et intraitable avec elle-même. « C’est une vraie Lionne », confie Ndeye Awa Diakhaté. « Elle te pousse à te dépasser. Elle ne lâche rien. Quand elle est là, on sait que rien n’est impossible. »

Formée au Sénégal, révélée en France, passée par Toulouse, Arras, Orléans puis Lens, l’attaquante de l’Olympique de Marseille n’a pas eu de raccourci. Elle a dû gagner sa place et se faire un nom. 

Objectif : sommet du classement des buteuses

Deux buts contre la RD Congo, une démonstration technique et physique, et surtout un message clair : Mama Diop n’est pas venue pour jouer les figurantes. À 30 ans, la native de Guéréo veut marquer l’histoire. Inscrire son nom tout en haut. Et pourquoi pas finir meilleure buteuse du tournoi.

« Quand je débute une compétition, c’est pour aller jusqu’au bout. Les trophées collectifs ou individuels, c’est ce qui me fait avancer. »Mercredi, face à la Zambie de Barbra Banda – autre géante du football africain et redoutable artificière –, un sommet de buteuses se profile. Un duel de haute intensité. Diop connaît l’enjeu. Et l'attente.

« J’ai beaucoup de respect pour Banda. Mais ce match, je le prends comme un défi personnel. Si je veux être la meilleure, c’est ce genre de confrontation qu’il faut dominer. »

Mama Diop, c’est plus qu’une attaquante. C’est une déclaration. Celle d’un football africain féminin qui s’émancipe, qui s’affirme, qui impose ses propres modèles. Si le rugissement de Rashidi Yekini appartient à l’histoire, celui de Mama Diop n’évoque plus une promesse : il annonce une ère.