Cheikh Tahirou Fall : “Voir son épouse représenter son pays, chanter l’hymne national, c’est un honneur.”
- CAFOnline.com a interviewé Cheikh Tahirou Fall, l’époux de Ndèye Awa Diakhaté
- Il vit intensément les victoires comme les défaites de sa compagne, en observateur avisé et soutien constant
- Il la soutient dans l’ombre, avec lucidité, tendresse et passion pour le jeu
En pleine effervescence de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies 2024, Cheikh Tahirou Fall occupe une place particulière dans l’ombre du football sénégalais. Mari de Ndeye Awa Diakhaté, l’attaquante de l’équipe nationale, il est loin d’être un simple spectateur. Ancien membre du staff technique des Lionnes, il connaît le football féminin de l’intérieur, avec ses exigences, ses défis et ses espoirs.
Ce qui distingue Cheikh Tahirou, c’est sa capacité à conjuguer son rôle d’entraîneur et celui d’époux, un équilibre qu’il a réussit à maintenir dans le monde exigeant du sport professionnel. Son regard posé, souvent technique, n’en est pas moins empreint d’une tendresse et d’une compréhension profonde des réalités qu’affrontent les joueuses. Il sait que derrière chaque but marqué ou chaque passe réussie, il y a un travail acharné, mais aussi des sacrifices personnels.
Pour lui, accompagner Ndeye Awa, c’est avant tout la soutenir. Il suit ses matchs avec attention, que ce soit à Marseille où elle évolue en club, ou sur les pelouses africaines sous les couleurs nationales. Et quand la défaite ou la frustration pointent le bout de leur nez, il sait que le rôle d’un mari n’est pas de forcer les mots, mais d’offrir un espace d’écoute et de recul. Dans ces moments, la communication se fait dans le silence, avant de repartir ensemble vers l’amélioration.

Mais au-delà de leur histoire personnelle, Cheikh Tahirou a observé l’évolution du football féminin sénégalais, qu’il accompagne depuis plusieurs années. Il témoigne d’une transformation notable : la multiplication des équipes de jeunes, la professionnalisation croissante, et surtout une reconnaissance grandissante auprès des familles et des institutions. Selon lui, la visibilité des joueuses comme celle de son épouse ouvre la voie à une nouvelle génération qui croit plus que jamais en ses chances.
Enfin, il évoque le caractère de battante de sa femme, ce mental d’acier qui fait d’elle une « gagnante née ». Une force intérieure qui lui permet de surmonter les obstacles et de toujours se relever. Ce mental, couplé à un talent certain, explique son ascension et son rôle clé dans le renouveau du football féminin sénégalais.
Dans ce témoignage rare, Cheikh Tahirou Fall offre à CAFOnline.com une plongée dans le quotidien d’un couple uni par la passion du football, entre rigueur, amour et ambition. Une histoire qui incarne la modernité du sport africain au féminin.
CAFOnline.com : Comment avez-vous rencontré votre épouse, Ndeye Awa Diakhaté, et à quel moment avez-vous compris que le football allait faire partie intégrante de votre vie privée ?
Cheikh Tahirou Fall : Je vous remercie de m’avoir invité. J’ai rencontré Awa à une époque où j’étais dans le staff de l’équipe nationale féminine du Sénégal. Elle était joueuse, et moi, j’étais entraîneur. C’est là que notre histoire a commencé. Le football était le cadre de notre première rencontre, et il est devenu le fil conducteur de notre quotidien.

Quel regard portiez-vous sur le football féminin avant cette rencontre ?
À vrai dire, avant cette expérience, je n’avais jamais été confronté au football féminin. C’était pour moi une énigme. Mais dès que je l’ai découvert, j’ai été agréablement surpris. Les filles sont très techniques, elles ont une compréhension rapide des consignes tactiques. Je dirais même que, sur certains aspects, elles assimilent plus vite que les garçons. Ça m’a captivé. Le football féminin est devenu une passion. Tous les week-ends, je me rendais au stade pour suivre les matchs du championnat féminin.
Vous continuez à suivre Awa dans ses matchs, que ce soit en club ou en sélection ?
Absolument. Dès que j’en ai la possibilité, je suis là, dans les tribunes, que ce soit à Marseille ou avec les Lionnes. Je suis un passionné de sport. Et puis, comme je suis entraîneur de formation, je vis le match intensément. Je ne suis pas qu’un mari : je suis un observateur attentif. Mais je reste serein, car je la connais. Je sais que lorsqu’elle est dans son match, elle répond toujours présente.

Comment la soutenez-vous dans sa carrière au quotidien ?
Il y a entre nous une compréhension mutuelle. Je sais que son métier est exigeant, qu’elle manque souvent de temps, mais je fais en sorte de m’adapter. Mon soutien se manifeste surtout avant et après les matchs. On discute, on débriefe. Si tout s’est bien passé, on analyse ce qui a fonctionné ; sinon, on cherche ensemble les axes d’amélioration. C’est une dynamique de couple, mais aussi de professionnels du sport.
Que ressentez-vous lorsqu’elle entre sur le terrain en portant le maillot du Sénégal ?
C’est une immense fierté. Voir sa compagne représenter son pays, chanter l’hymne national... c’est un honneur. Et pour moi qui suis très proche d’elle, c’est quelque chose de profondément émouvant. Tout le monde ne peut pas porter les couleurs nationales. Cela me rappelle chaque fois l’importance de son engagement et de son travail.

Certains hommes pourraient être intimidés par la notoriété de leur épouse sportive. Comment gérez-vous cet aspect de sa vie publique ?
Avec beaucoup de sérénité. Je suis conscient qu’elle est une personnalité publique, et qu’à ce titre, elle est exposée. Il y aura toujours des critiques, des commentaires positifs comme négatifs. Il faut savoir prendre du recul, ne pas tout prendre à cœur. Je suis là pour l’encourager, pour relativiser, pour lui rappeler que tout cela fait partie du jeu. On ne peut pas plaire à tout le monde, et ce n’est pas l’objectif.
Quand elle est déçue après un match difficile, quel est votre rôle en tant qu’époux ?
Awa n’aime pas perdre. Elle est très compétitive. Après une défaite, elle est souvent fermée, silencieuse. Elle a besoin d’un temps pour digérer. Moi, je respecte ce silence, puis je lui propose de parler. On revient ensemble sur le match, je lui dis ce que j’ai vu, ce qui a marché, ce qu’il faut corriger. Que je sois au Sénégal ou ailleurs, on s’appelle toujours après les matchs. C’est important de garder cette routine, cette connexion.

Selon vous, les mentalités évoluent-elles au Sénégal quant à la place des femmes dans le sport professionnel ?
Oui, énormément. Il y a quelques années, il n’existait qu’une seule sélection féminine, l’équipe nationale A. Aujourd’hui, on a des équipes U15, U17, U20... Cela montre que les structures se mettent en place. La CAF et la FIFA investissent aussi beaucoup pour soutenir cette dynamique. Et au sein des familles, les perceptions évoluent. Les parents comprennent désormais que leurs filles peuvent gagner leur vie grâce au football. Ce n’était pas évident avant.
Le slogan de cette CAN Féminine est Born Winners. En quoi diriez-vous qu’Awa est une gagnante née ?
Elle a un mental d’acier. Elle déteste perdre. Quelle que soit la difficulté, elle trouve toujours la force de rebondir. C’est une battante. Elle sait se relever, se remettre en question, repartir à zéro. C’est ce qui lui permet de se maintenir au haut niveau. Son caractère fait toute la différence. C’est pour cela qu’elle est là où elle est aujourd’hui.
