Chiamaka Nnadozie (Nigeria) : « Défendre l’héritage des Super Falcons est une fierté immense »

- Gardienne des Super Falcons, Chiamaka Nnadozie aborde la CAN 2024 avec l’ambition de reconquérir un titre perdu au Maroc en 2022
- Élue Meilleure Gardienne d’Afrique deux années de suite, « Safe Hands » s’est imposée comme l’un des visages majeurs du football féminin sur le continent
- À 24 ans, elle incarne l’équilibre parfait entre autorité, sérénité et ambition. Une voix qui porte, un gant qui rassure, et une promesse : ramener le Nigeria sur le toit de l’Afrique.
Il y a des gardiennes qui arrêtent des ballons. Et d’autres qui changent le destin d’une équipe. Chiamaka Nnadozie appartient sans hésitation à la seconde catégorie. À seulement 24 ans, celle que tout le Nigeria surnomme « Safe Hands » est bien plus qu’un dernier rempart : elle est devenue l’un des visages du football africain. Un symbole de calme dans le tumulte. Une gardienne qui rassure, qui inspire, et qui gagne.
Le mois de mai dernier a encore renforcé son aura. Ce jour-là, à Orléans, elle entre dans l’histoire du Paris FC en offrant au club sa toute première Coupe de France contre le Paris SG (0-0; 5-4). Deux penalties stoppés en finale. Une parade décisive au bout du suspense. Une image gravée dans les mémoires. Quelques semaines après avoir été couronnée Meilleure Gardienne d’Afrique aux CAF Awards, pour la deuxième fois consécutive. Une reconnaissance logique pour une joueuse qui ne cesse de repousser les limites.
Mais c’est peut-être en sélection que son impact est le plus fort. En 2023, lors de la Coupe du Monde, elle fait basculer l’histoire. Le Nigeria affronte le Canada, champion olympique en titre. Au cœur du match, un penalty est sifflé. Christine Sinclair, légende vivante, s’avance. Nnadozie, elle, ne bronche pas. Elle plonge, et repousse le tir. Le monde entier découvre ce que le continent savait déjà : le Nigeria tient une gardienne de classe mondiale.
Et pourtant, pour elle, l’histoire reste incomplète. Car en 2022, au Maroc, les Super Falcons ont vu leur hégémonie continentale vaciller. Battues en demi-finale par le pays hôte après une séance de tirs au but cruelle, elles ont laissé filer un titre qu’elles pensaient pouvoir conserver. Cette défaite, Chiamaka Nnadozie ne l’a jamais digérée. Elle en parle aujourd’hui avec une détermination nouvelle. « Cette CAN 2024, c’est plus qu’un tournoi. C’est une mission reconquête », glisse-t-elle, le regard fixé sur l’objectif.
Son parcours impose le respect. En 2019, elle devient à 18 ans la plus jeune gardienne à disputer une Coupe du Monde. Quatre ans plus tard, elle est capitaine. Et ce brassard, elle ne le porte pas pour l’apparat. Elle le porte en héritage, avec gravité et fierté. Elle sait ce que représente ce maillot, ce que les Super Falcons ont bâti avant elle. Et elle veut y ajouter sa pierre.
À l’approche de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies 2024, Chiamaka Nnadozie n’a jamais semblé aussi prête. Prête à défendre, à guider, à triompher. À 24 ans, la gardienne des Super Falcons ne joue plus seulement pour elle-même, elle joue pour une revanche partagée, portée par toute une génération décidée à écrire sa propre légende. Cette CAN, elle ne veut pas la vivre. Elle veut la marquer. Gants serrés. Regard clair. Ambitions déployées.
CAFOnline.com : Le Nigeria se retrouve dans le Groupe B aux côtés de la Tunisie, de l’Algérie et du Botswana. Quel regard portez-vous sur cette poule ?
Chiamaka Nnadozie : On pourrait croire que c’est un groupe abordable, mais la réalité est tout autre. Le football féminin a fait d’énormes progrès ces dernières années. Chaque équipe progresse, travaille, investit. On l’a vu à la dernière CAN, où plusieurs favoris ont été bousculés. On ne peut plus sous-estimer personne. Ce groupe est piégeux, et nous devons le prendre très au sérieux. La qualification ne se donnera pas : il faudra aller la chercher avec engagement et rigueur.
Lors de la dernière édition, vous avez perdu votre titre en demi-finale face au Maroc. Comment avez-vous vécu cette élimination ?
C’était très dur à accepter. On voulait vraiment conserver notre couronne, mais le football, c’est aussi cela : il y a des jours où tout ne se passe pas comme prévu. Ce match contre le Maroc, on l’a perdu aussi parce que l’adversaire avait bien préparé sa stratégie. Ce n’est pas que le Nigeria est moins fort, c’est que d’autres nations, aujourd’hui, nous regardent comme un modèle à abattre. Elles se préparent en conséquence. Cela nous oblige à rester humbles et à élever encore notre niveau de jeu.
Avec 11 titres, le Nigeria est l’équipe la plus titrée de l’histoire de la CAN Féminine. Ressentez-vous cette pression historique ?
: Bien sûr. Porter le maillot des Super Falcons, c’est assumer un héritage. C’est jouer pour les générations qui ont tout gagné avant nous. Les regards sont sur nous en permanence. Quand une autre équipe perd, ce n’est pas un scandale. Quand c’est le Nigeria, c’est une affaire d’État ! Mais nous devons garder la tête froide. Nous sommes des athlètes, nous faisons des erreurs aussi. Il faut réussir à transformer cette pression en énergie positive, en motivation. Notre objectif est clair : aller au bout, mais avec maîtrise et intelligence.
Que signifie pour vous défendre l’héritage des Super Falcons ?
C’est un immense honneur. Quand je pense aux grandes gardiennes et joueuses qui m’ont précédée, je ressens de la gratitude et de la responsabilité. Elles ont ouvert la voie. C’est à nous aujourd’hui de faire perdurer cette excellence. Pour cela, je mise sur deux choses : la discipline et l’humilité. Ce sont mes fondations. J’essaie de rester concentrée sur mon travail, sur le collectif. Le reste, ce sont les résultats qui parleront.
Cette CAN sera votre troisième. Quelle place occupe cette compétition dans votre parcours ?
Pour moi, la CAN a la même saveur qu’un Mondial. L’ambiance, les enjeux, l’intensité… tout y est. Je me souviens de l’édition au Maroc en 2022 : les stades étaient pleins, les supporters incroyables. On se sent porté par tout un continent. Et puis, jusqu’ici, je n’ai pas encore été la gardienne titulaire lors d’un sacre. Cette fois, je veux aller chercher le titre en étant sur le terrain, en étant actrice de cette victoire.
À quel moment avez-vous compris que jouer pour le Nigeria, c’était bien plus que de porter un simple maillot ?
Je m’en souviens très clairement. C’était en 2018, lors d’un match contre la France. C’était ma toute première sélection, et on a perdu 8-0. J’étais dévastée. Je pleurais après le match. Mais ensuite, j’ai vu les messages de soutien, les encouragements, les analyses. Tout le monde parlait de moi comme d’un espoir. J’ai compris que représenter le Nigeria, c’était toucher le cœur des gens. C’était une mission, pas juste un match. Ce jour-là, j’ai su que ce maillot signifiait bien plus que ce que je pensais.
Vous êtes désormais l’une des cadres de cette équipe. Comment gérez-vous ce rôle de leader ?
Je prends ce rôle très à cœur. Ce n’est pas seulement être un exemple sur le terrain, c’est aussi dans le vestiaire, dans l’attitude. Je veille à rester accessible, à encourager les autres, surtout les plus jeunes. J’ai la chance d’être bien entourée, mais je sais que la responsabilité m’appartient aussi. Il faut rester alignée avec ses valeurs. Je crois en la constance, en la rigueur. Les projecteurs ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : progresser chaque jour.
Comment accueillez-vous les jeunes joueuses qui intègrent l’équipe nationale ?
J’essaie d’être là pour elles. Je leur parle, je leur explique que cette équipe n’a pas d’âge, qu’elles ont leur place. Récemment, l’une d’elles m’a appelée parce qu’elle avait un tournoi et qu’elle voulait des conseils. J’ai trouvé cela beau. Je me souviens de mes débuts, de comment les anciennes m’ont intégrée. C’est à moi aujourd’hui de transmettre cet esprit. Je veux qu’elles se sentent confiantes, qu’elles puissent s’exprimer librement dans le groupe.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes filles qui rêvent de devenir footballeuses ?
Ne laissez personne éteindre votre flamme. Croyez d’abord en vous, parce que si vous ne croyez pas en vous, personne ne le fera à votre place. Mais surtout, n’arrêtez jamais d’apprendre. Le talent seul ne suffit pas. Il faut apprendre, observer, se remettre en question. Même quand vous êtes sur le banc, regardez, analysez. Et gardez toujours une attitude irréprochable. Faites le bien, même quand personne ne vous regarde. Parce que quelqu’un, quelque part, vous regarde toujours.