Chloé N’Gazi (Algérie) : à l’assaut du trône de Nnadozie

À Casablanca, alors que la phase de groupes de la CAN Féminine CAF TotalEnergies 2024 s’est achevée, un nom s’est imposé avec discrétion mais autorité : Chloé N’Gazi. Trois matches, trois clean sheets, un record d’arrêts et un trophée de meilleure gardienne de la première phase à la clé. Mieux encore, l'Algérienne a coiffé au poteau la Nigériane Chiamaka Nnadozie, pourtant élue Gardienne de But de l’Année aux CAFAwards.
À 29 ans, la joueuse de l’Olympique de Marseille s’est affirmée comme une pièce maîtresse d’une équipe algérienne solide et déterminée. Mais derrière les chiffres, c’est une trajectoire faite de patience, de détermination et d’enracinement qui donne tout son sens à l’éclosion tardive de cette gardienne atypique.
Formée à Issy et passée par le PSG, Fleury, Orléans et Le Havre, Chloé N’Gazi garde aujourd’hui les buts de l’OM. La saison dernière, elle a connu un passage à vide de six mois sans la moindre minute de jeu. Une parenthèse frustrante, mais qu’elle a transformée en carburant pour rebondir. « J’ai beaucoup travaillé. Ce trophée est une fierté. J’ai connu une saison difficile sans jouer pendant six mois. Aujourd’hui, je suis heureuse de cette reconnaissance, mais encore plus pour l’équipe. On travaille ensemble, mes défenseures me facilitent la tâche. Ce que l’on vit, c’est collectif », confie-t-elle à CAFOnline.com.
Son match référence ? Celui face au Nigeria. Un nul 0-0, arraché grâce à une série de parades décisives face aux championnes d’Afrique. Ce soir-là, elle a volé la vedette à Chiamaka Nnadozie.
« Je sais qu’elle a été élue meilleure gardienne l’an dernier. Elle le méritait. Mais moi aussi, je veux devenir la meilleure en Afrique. Et c’est dans des compétitions comme celle-ci que ça se joue. »
Née en France mais viscéralement attachée à l’Algérie, Chloé N’Gazi a fait le choix du cœur. Un choix inspiré, aussi, par un membre de sa famille. « Ma cousine, Lilia Boumrar, a joué pour l’Algérie et m’a parlé de l’amour du pays pour le football. Depuis que je suis ici, j’ai compris. C’est un pays qui vit pour ce sport. Les gens attendent beaucoup de nous, ça met une pression positive. »
À Marseille, où elle évolue en club, la proximité avec la culture algérienne est permanente. Cela a facilité son intégration et renforcé son engagement.
« Marseille et l’Algérie, c’est un peu pareil : beaucoup d’attentes, de ferveur. C’est une pression, mais une bonne pression. »
Et de rappeler l’importance de renouer avec ses racines : « Même si je n’ai pas grandi là-bas, c’est d’où je viens. C’est ce que je veux transmettre. L’Afrique a besoin de ses enfants pour grandir. »
Derrière son calme apparent se cache une ambition affirmée. Admiratrice du gardien allemand Manuel Neuer, Chloé N’Gazi s’inspire de son style moderne. « Manuel Neuer, c’est mon modèle. Il a révolutionné le poste. On n’est plus seulement des gardiens, on est aussi des joueuses de champ. C’est ce vers quoi je tends. »
Lucide, elle sait que tout n’est pas encore gagné. « J’ai 29 ans, mais je sens que je suis en train d’atteindre mon meilleur niveau. Mon ambition, c’est d’être nommée meilleure gardienne d’Afrique. Mais je sais que le chemin est encore long. »
Elle garde un œil sur la progression des autres gardiennes du continent, notamment sa rivale de groupe :
« Il y a beaucoup de bonnes gardiennes, comme Chiamaka à Paris FC. On progresse toutes ensemble. Mais dans ce métier, tu peux être en haut un jour et tomber le lendemain. Il faut rester solide mentalement. Si tu ne crois pas en toi, personne ne le fera à ta place. »
Si N’Gazi rayonne, c’est aussi parce qu’elle est soutenue par un sélectionneur qui croit fermement en elle. Farid Benstiti a su relancer la dynamique algérienne, et Chloé en est le pilier. « Elle a commencé doucement lors du premier match, mais ensuite elle a haussé le ton. Elle a une vraie qualité : grande, tonique, calme, très bonne avec les pieds. Elle est complète », analyse-t-il dans CafOnline.com.
Mais ce qui frappe le plus Benstiti, c’est sa capacité à répondre présente dans les moments clés :
« Elle n’a pas eu 15 arrêts à faire. Mais les 2 ou 3 qu’elle a dû sortir, c’était au moment parfait. À ce niveau-là, c’est ce qu’on attend d’une gardienne. Elle a été décisive quand il le fallait. »
La complicité avec sa défense est également un point fort. « Chloé parle beaucoup, rassure, et surtout, elle est proche de ses défenseures. Il y a une vraie amitié entre elles. C’est rare, et ça fait toute la différence. »
Avant d’affronter le Ghana en quart de finale, Benstiti résume l’enjeu : « À ce stade de la compétition, une gardienne, c’est 50 % de l’équipe. Les matches durent plus de 90 minutes, les jambes pèsent, et tout peut basculer sur une parade. On aura besoin d’elle à 200 %. »
Plus qu’une gardienne, Chloé N’Gazi incarne aujourd’hui une équipe qui ose croire en ses chances. Sa solidité rassure, son engagement inspire, et son sourire reflète l’espoir d’un peuple. « On veut aller le plus loin possible. Ce n’est plus un rêve. Avec ce qu’on a montré, on sait que c’est possible. »
Avant de regagner le vestiaire après son troisième match sans encaisser de but, elle a lancé un dernier message aux supporters :« On lit vos commentaires, on vous sent derrière nous. Continuez. On aura besoin de vous contre le Ghana. » lance t-elle avec un large sourire.