Fikile Magama, l’ascension d’une taiseuse

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Elle a surgi presque en silence, sans faire de bruit. Et pourtant, dans une phase de groupes de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies 2024 saturée de stars confirmées et de talents médiatisés, c’est bien Fikile Magama qui a conquis sa place dans le onze-type sélectionné par le Groupe d’Étude Technique de la CAF. À 23 ans, la défenseure sud-africaine, encore inconnue du grand public s’est imposée comme une pièce maîtresse de Banyana Banyana.

Son prénom, Fikile, signifie « arrivée » en isiXhosa. Un mot qui résonne aujourd’hui comme une prophétie. Discrète en dehors du terrain, souvent en retrait, presque invisible lorsqu’elle ne joue pas, elle dégage sur le rectangle vert une concentration rare et une détermination sans fioritures.

« Faire partie du onze-type, c’est énorme pour moi. Je ne m’y attendais pas. Mais quand je regarde le chemin parcouru, c’est la preuve que le travail paie », confie-t-elle à CAFOnline.

De Gugulethu aux sommets du continent

Tout commence dans le township de Gugulethu, à la périphérie du Cap. Elle a sept ans quand elle chausse ses premiers crampons. Soutenue par sa grand-mère, elle intègre les Cape Town Roses, avant de rejoindre Dangerous Heroes à Philippi, puis Phuhla FC, une équipe masculine. À l’adolescence, deux rêves cohabitent : poursuivre ses études et jouer au football au plus haut niveau.

À l’Université de Western Cape (UWC), elle trouve l’environnement idéal pour mener les deux de front. Étudiante en sciences du sport, elle s’impose dans l’équipe universitaire dirigée par Thinasonke Mbuli. Avec la UWC, elle remporte le championnat universitaire féminin en 2021. Mbuli, également adjointe de Desiree Ellis avec les Banyana Banyana, suit son développement de près, et elle n’est pas la seule. 

Simphiwe Dludlu, l’ancienne capitaine des Banyana Banyana devenue sélectionneuse des U17 puis des U20, l’avait repérée tôt : « Elle était très timide, mais elle osait parler. À ses débuts, elle ne m’avait pas convaincue à son poste, mais elle m’a demandé de la tester à gauche car elle était à l’aise du pied gauche. Je ne l’ai jamais regretté. Elle est devenue incontournable à la Coupe du Monde U-17 en Uruguay. »

Aujourd’hui consultante TV, Dludlu continue de l’observer avec fierté : « Elle est devenue beaucoup plus intelligente dans le jeu. Elle est solide en un-contre-un, sait couvrir ses coéquipières et se projette bien. Elle a même failli marquer contre la Tanzanie. Ce qui me frappe, c’est sa confiance. »

Desiree Ellis conquise

Depuis le début de la compétition, Magama a disputé l’intégralité des trois matchs de groupe face au Ghana, à la Tanzanie et au Mali. « Fikile nous apporte énormément, aussi bien en attaque qu’en défense. Elle aurait pu marquer contre le Mali. Elle est très solide défensivement, et elle a joué plus de 90 minutes à chaque match. Son expérience en Coupe du Monde U17 puis en Australie en 2023 avec les seniores a été cruciale. Elle a même joué à gauche. Cette capacité d’adaptation est précieuse », explique Ellis.

« Elle a été l’un des piliers de notre défense. On n’a encaissé qu’un seul but, et elle y est pour beaucoup. À l’UWC, elle a encore franchi un cap. Sa progression est constante. »

Avec l’Université de Western Cape, Magama a également brillé. Elle a joué un rôle déterminant dans la qualification du club pour les éliminatoires COSAFA de la Ligue des Champions Féminine de la CAF. En finale face aux Gaborone United du Botswana (1-1, 9-8 aux tirs au but), elle a transformé l’un des penalties décisifs, scellant une victoire qui a propulsé UWC vers une première participation historique à la phase finale de la compétition continentale, organisée au Maroc.

Cap sur les quarts

Samedi à 20h à Oujda, la pelouse du Stade d’Honneur  accueillera un duel de haut vol : Afrique du Sud – Sénégal. Tenantes du titre, les joueuses de Desiree Ellis savent qu’aucun faux pas ne sera permis face à des Lionnes de la Teranga en quête de confirmation.

 

« Pour battre le Sénégal, on devra être solides derrière, lucides devant, organiser notre milieu, jouer en équipe et savoir s’adapter. L’expérience sera notre plus grande force », prévient Magama.

Ce quart de finale sera le premier affrontement entre les deux nations à ce stade du tournoi. Pour Fikile Magama, c’est une nouvelle marche à gravir. Et une occasion de montrer qu’elle ne fait pas que « participer ». Elle incarne désormais une génération de joueuses sud-africaines qui ne reculent devant rien. Arrivée, oui. Mais pas encore rassasiée.