Justin Madugu, l’homme qui bouscule les codes

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Coaching gagnant. L’expression est souvent galvaudée, brandie à la moindre inspiration tactique. Mais dans le cas de Justin Madugu, elle retrouve tout son sens. Le sélectionneur du Nigeria façonne ses matchs comme un stratège, avec flair, audace et une gestion humaine au cordeau.

Face à l’Afrique du Sud, en demi-finale de la CAN Féminine CAF TotalEnergies (2-1), il a encore frappé. Alors que la rencontre semblait s’enliser après l’égalisation de Linda Motlhalo, Madugu ne panique pas. Il anticipe. Il ajuste. Et il dégaine. À la 81e minute, Deborah Abiodun entre. Une décision qui n’a rien d’un coup de poker : la jeune attaquante placée en soutien des offensives, dynamite le tempo. Quelques ballons, une touche, une accélération, et cette passe lumineuse, dans le dos de la défense sud-africaine. Michelle Alozie s’y engouffre et crucifie la gardienne dans le temps additionnel (90e+4). 

« Dans chaque match, on travaille plusieurs scénarios : si on mène, si on est à égalité, si on doit tout jouer dans les dernières minutes… Quand l’Afrique du Sud est revenue, il a fallu rester lucides. On a rappelé aux filles qu’un match ne se termine qu’au coup de sifflet final », analyse-t-il, calme, posé, fidèle à lui-même. « Elles ont cru en elles. Et elles ont été récompensées. »

Oshoala sur le banc, Echegini préservée

Ce flair, Madugu l’a démontré dès le début du tournoi. Pour la première rencontre face à la Tunisie(3-0), il fait des choix forts. Jennifer Echegini, étincelante cette saison avec le PSG, commence sur le banc. Asisat Oshoala, monument du football africain, sort en seconde période après avoir marqué. Peu de sélectionneurs oseraient. Madugu, lui, assume.

« Chaque joueuse a un rôle à jouer. Personne n’est plus importante qu’une autre. Ce groupe vit bien parce que tout le monde est traité avec le même respect. L’unité, c’est notre force. »

Derrière cette philosophie, il y a une méthode. Et une vision. Lorsqu’il dévoile sa liste pour la CAN, onze débutantes sont du voyage. Onze. De quoi faire froncer les sourcils des conservateurs. Mais lui y voit une opportunité, pas une menace.

« Elles ne sont pas là par hasard. Elles ont prouvé leur valeur lors des matchs de préparation. Il n’y a aucune nervosité chez elles, aucun doute sur leur place dans cette équipe. »

Une jeunesse encadrée, une équipe régénérée

Le pari était risqué. Il s’avère payant. L’ossature de l’équipe mêle désormais l’expérience des cadres et l’élan des nouvelles têtes. Et l’alchimie opère, sur le terrain comme en dehors. Les aînées guident, conseillent, transmettent. Les jeunes écoutent et apprennent. Un passage de témoin en douceur, orchestré sans heurts.

« C’est un processus d’apprentissage. Cette CAN les transforme. Elle leur servira autant en club qu’en sélection. »

Madugu ne se contente pas de gérer. Il bâtit. Il pense l’avenir. Il s’écarte du confort des hiérarchies figées pour ouvrir la porte à la concurrence, à l’innovation, à l’ambition. Le Nigeria version 2025 n’est plus une simple vitrine de stars. C’est un collectif pensé, dosé, modulé. Et son architecte en chef n’a pas fini de surprendre.

Samedi, les Super Falcons défieront le Maroc, pays hôte, en finale. Une forteresse à faire tomber, dans un stade qui poussera fort. Mais avec Madugu à la manœuvre, rien ne semble impossible. Parce qu’avec lui, le Nigeria ne joue plus seulement avec son passé. Il joue avec ses idées. Et il gagne avec elles.