Linda Motlhalo, la reine du penalty

Imperturbable. Chirurgicale. Intrépide. Linda Motlhalo ne tremble jamais à onze mètres. À 27 ans, la meneuse de jeu des Banyana Banyana s’est imposée comme la meilleure spécialiste du penalty sur le continent africain. Une précision redoutable, forgée dans la douleur, nourrie par l’expérience. Et surtout, gravée dans l’histoire.
Tout a commencé en 2016, lors de la CAN Féminine CAF TotalEnergies au Cameroun. Motlhalo n’a alors que 18 ans, mais déjà du sang-froid à revendre. Ce jour-là, à Limbé, elle inscrit son tout premier but avec l’Afrique du Sud face à l’Égypte (5-0), scellant la qualification pour les demi-finales. Un simple avant-goût de ce qui allait suivre.
Du traumatisme à la maîtrise
Deux ans plus tard, au Ghana, elle transforme son premier penalty en phase finale de la CAN Féminine CAF TotalEnergies, lors d’un festival offensif contre la Guinée équatoriale (7-1). Mais cette édition 2018 laissera une cicatrice profonde. En finale, face au Nigeria, la numéro 10 sud-africaine a la victoire au bout du pied. La balle de titre. Et elle échoue.
« Je pense toujours à ce penalty raté. Si je l’avais marqué, on aurait remporté la CAN. C’était dur à digérer. En rentrant chez moi, je me suis jurée de ne plus jamais ressentir ça. J’ai travaillé, travaillé, encore et encore. »
Le déclic. À partir de là, Motlhalo s’impose comme l’exécutante en chef de toutes les grandes échéances. Une mutation mentale et technique. Fini les doutes, place à la sérénité. En 2022, elle convertit deux penalties : l’un contre le Burundi en phase de groupes, l’autre face à la Zambie en demi-finale, dans le temps additionnel (90e+4), pour envoyer l’Afrique du Sud en finale. Et cette fois, Banyana Banyana ira au bout, en dominant le Maroc (2-1).
Une vocation née dans les rues de Gauteng
Née dans une famille de footballeurs — son père était entraîneur, son oncle gardien de but chez les Kaizer Chiefs — Motlhalo n’a jamais envisagé une autre voie. « À six ans, mon père m’emmenait avec lui. Je passais mes après-midi à jongler avec un ballon. C’est là que j’ai compris que le foot était ma joie, ma liberté. »
Son talent la mènera aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, à deux Coupes du monde (2019 en France, 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande), et à une carrière en club aux quatre coins du globe : Houston Dash (USA), Beijing BG Phoenix (Chine), Djurgården (Suède), Glasgow City (Écosse), Racing Louisville, avant de revenir à Glasgow en 2025. Mais partout, une constante : le travail des penalties. Encore et toujours.
« Je m’entraîne sans relâche, en club comme en sélection. Notre gardienne Andile Dlamini nous met sous pression à l’entraînement. Elle ne nous facilite jamais la tâche. Et c’est tant mieux. Grâce à ça, je ne ressens plus la pression. »
L'art de se relever
Critiquée après son échec de 2018, Motlhalo a transformé les reproches en moteur. « Les gens me rappelaient ce penalty raté. Ça aurait pu me détruire. Mais au contraire, ça m’a motivée. Si on ne me critique pas, c’est que je n’ai plus d’importance. »
Sa transformation mentale a nourri la revanche collective. En 2022, l’Afrique du Sud bat à nouveau le Nigeria dès son entrée en lice (2-1), comme en 2018, puis remporte enfin son premier titre continental. Motlhalo entre dans une autre dimension.
Et elle n’a pas ralenti. Lors de cette CAN 2024 au Maroc, elle ouvre le score contre le Ghana, d’un penalty limpide, avec sa routine désormais classique : regard fixe, respiration contrôlée, précision clinique. Face au Nigeria en demi-finale, alors que son équipe est menée 1-0, elle s’avance, encore. Et convertit. Seule joueuse à avoir trompé Chiamaka Nnadozie dans ce tournoi. Symbole fort.
Mais malgré ce sursaut, les Sud-Africaines finiront par céder (1-2), punies dans les arrêts de jeu. Fin de parcours. Fin de rêve. Pas pour Motlhalo.
Cinq penalties, un statut confirmé
En trois éditions de la CAN Féminine CAF TotalEnergies, Linda Motlhalo a inscrit six buts, dont cinq sur penalty. Une statistique qui ne dit pas tout de son influence dans le jeu, mais qui consacre une spécialiste. Une experte. Une meneuse.
"Le penalty, c’est du mental. Ce sont des jeux d’esprit. Je suis calme parce que j’ai préparé ce moment. Je le chéris."
Et si l’Afrique du Sud a laissé passer une nouvelle chance de conserver sa couronne, Motlhalo, elle, s’est imposée comme une figure incontournable du football africain. Une métronome. Une survivante. Une reine, à onze mètres.