Maroc - Mali : le choc des gants au cœur de Rabat

Publié:

Le Mali est arrivé à Rabat sonné, groggy, comme un boxeur dans les cordes, après avoir encaissé un cinglant 4-0 face à l’Afrique du Sud à Oujda. Une défaite écrasante qui aurait pu laisser les Aigles Dames au tapis. Mais au lieu de rester à genoux, elles se relèvent. Le gong des quarts de finale approche, et elles savent que c’est le moment ou jamais de remonter sur le ring.

En face, le Maroc, le pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine CAF TotalEnergies 2024, boxe à domicile. Le public, chaud comme une forge, remplit le stade olympique de Rabat à chaque combat, et les Lionnes de l’Atlas avancent avec l’assurance des têtes de série. Cependant les Maliennes ont la rage de vaincre.

« La phase des poules est terminée. Maintenant, c’est la phase d’élimination directe : tu joues, tu passes. Tu perds, tu rentres à la maison », a lancé Mohamed Houssein Saloum, le sélectionneur malien dans une formule aussi imagée que percutante. Comprendre : il n’y a plus de calculs, c’est du KO ou rien.

Un mental de fer pour un retour dans les cordes

Le Mali sait ce qu’il joue : plus qu’une place en demi-finale, une revanche contre lui-même. « On est conscients. La défaite contre l’Afrique du Sud, ce n’était pas ce qu’on voulait, mais on a tourné la page. Vous verrez une autre image de l'équipe demain », promet l’attaquante Aissata Traoré.

Véritables puncheuses, les Aigles Dames veulent faire oublier leur attaque en berne (seulement deux buts en trois matchs) et une défense qui a craqué (cinq buts encaissés, le pire total des équipes encore en lice). Mais face au Maroc, elles veulent frapper fort, dès les premiers rounds.

Un combat de styles : la technique contre l'impact physique

Le Maroc, lui, progresse avec méthode. À l’image d’un boxeur au style épuré, solide sur ses appuis, qui travaille au jab, use son adversaire à force de patience et de précision. Une approche que confirme Jorge Vilda, le sélectionneur national : « Chaque matin, mes joueuses me font sentir qu’elles sont prêtes à se battre. Ce match est capital, il nous stimule, il nous apporte une énergie supplémentaire. »

Aziza Rabbah, défenseur centrale des Lionnes de l’Atlas souligne la force mentale du groupe : « Nous avons passé plus de deux mois ensemble, en concentration totale. On est devenues une vraie famille. Cette cohésion, cette harmonie, c’est ce qui nous aide à rester fortes, aussi bien physiquement que mentalement. »

Le Mali, lui, promet une opposition d’un tout autre registre. Aïssata Traoré plante le décor sans détour : « Pour gagner, il faut avoir plus envie de faire mal à l’adversaire. » Et d’ajouter, presque en introspection : « L’adversaire, c’est nous-mêmes. Ce sont les limites qu’on se fixe qui feront basculer le match. »

Derrière ces mots, c’est tout un état d’esprit qui s’exprime. Un jeu plus frontal, plus musclé, sans fioritures. Les Maliennes veulent presser haut, imposer l’impact, faire parler le cœur et les poumons. Comme dans un huitième round, quand les jambes brûlent mais que la volonté reprend le dessus. Des enseignements tirés dans la douleur : « Chaque match a sa réalité, sa philosophie. On a appris de nos erreurs. » appuie le tacticien malien. Malgré la défaite, l’équipe conserve ses armes : la gardienne suppléante Alima Cissé, auteur de quatre arrêts lors du dernier match (un record pour le Mali dans ce tournoi), et l’attaquante Saratou Traoré, qui a cadré 4 tirs sur 5 face aux Sud-Africaines.

Le Maroc : favori, mais pas intouchable

« C’est une équipe joueuse, qui ne lâche rien, qui croit en elle », reconnaît le coach malien. Le Maroc impressionne, enchaîne, attire les foules. Mais dans un quart de finale, la moindre ouverture peut être exploitée. « Le match va se jouer sur les détails », prévient-il.

Du côté marocain, Jorge Vilda refuse de sous-estimer la férocité des Maliennes : « Le Mali est une grande sélection. Ils ont très envie de se qualifier en demi-finale, ce qui les rend encore plus dangereux. Dans aucun cas, mes joueuses ne sont moins confiantes. »

Aziza Rabbah confirme : « Le stress psychologique, la tension, on sait que c’est un facteur important. Mais on est prêtes, concentrées. On veut montrer la meilleure version de notre équipe. Ce match, c’est un défi majeur, et on va tout donner. »

La force du peuple et l’envie de marquer l’histoire

« Ce match est super important, pas que pour moi. C’est tout un pays qui compte sur nous », insiste Aïssata Traoré. Une deuxième qualification en demi-finale, après celle de 2018, offrirait une visibilité nouvelle au football féminin malien.

Et les Maliennes sont prêtes à tout : « S’il faut laisser notre corps, voire notre âme sur le terrain, on le fera », lâche la nouvelle attaquante de Boston avec la rage au ventre. La formule claque comme un crochet du droit. Le soutien des supporters maliens au Maroc pourrait faire office de 12e élément. « On leur demande plus de voix, qu’ils nous accompagnent. Et j’espère qu’on va grandir pendant ce match. »

De l’autre côté, la ferveur marocaine ne faiblit pas. Jorge Vilda évoque un « environnement exceptionnel », un public « chaud et passionné », un contexte favorable pour ses Lionnes. Mais il met en garde : « Il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. Le Mali a une volonté de fer. Ce sera un vrai combat, un match d’intensité. »

Le verdict approche

Le combat promet d’être intense. Les coups vont pleuvoir. Et même si la technique est marocaine, la fureur pourrait être malienne. Car parfois, un match de football, comme un combat de boxe, ne se joue pas seulement avec les pieds. Il se gagne avec le cœur.

Les Aigles Dames sont prêtes à monter sur le ring. Reste à savoir si elles auront les épaules assez larges pour encaisser, riposter, et faire tomber le colosse marocain devant son public.