Rasheedat Ajibade, la capitaine et le moteur des Super Falcons

À 25 ans, Rasheedat Ajibade dispute sa troisième Coupe d’Afrique des Nations CAF TotalEnergies. De rookie en 2018 à capitaine en 2024, l’attaquante de l’Atlético de Madrid a changé de dimension. Longtemps considérée comme une promesse, elle s’est imposée comme une figure centrale des Super Falcons. Arrivée comme un éclair, elle est devenue la boussole.
Jeudi soir, sur la pelouse compacte du Stade Larbi Zaouli de Casablanca, elle n’a pas marqué. Elle n’en avait pas besoin. Présente dans tous les circuits, juste dans ses choix, précieuse dans les moments de flottement, Ajibade a été le phare dans la nuit botswanaise. Élue Joueuse du Match après la victoire (1-0), elle a une fois de plus confirmé qu’elle n’est pas simplement une dynamite sur l’aile : elle est l’âme d’un Nigeria en quête de reconquête.
2018 : La rookie aux crampons affûtés
Elle n’avait pas encore 19 ans. Crâne rasé, jambes affûtées, et cette rage tranquille de vouloir exister dans la sélection la plus redoutée du continent. À la CAN 2018 au Ghana, Rasheedat Ajibade débarque dans le grand bain avec respect mais sans complexes. Elle croise des monuments : Rita Chikwelu, Desire Oparanozie, Ngozi Ebere. Elle se tait, elle regarde, elle apprend. Et surtout, elle reste prête.
Lors de la demi-finale contre le Cameroun (0-0, 4-2 t.a.b.), elle entre en jeu et ne tremble pas au moment d’exécuter son tir au but. Quelques jours plus tard, elle soulève le trophée continental. Premier titre, premier frisson, à la veille de fêter ses 19 ans. Une promesse. Un point de départ.
2022 : La joueuse confirmée, portée par l’Europe
Quatre ans plus tard, tout a changé. Elle a quitté Lagos, fait escale en Norvège (Avaldsnes IL), puis trouvé sa vitesse de croisière en Espagne, à l’Atlético Madrid. En prime, un nouveau look : cheveux bleus électriques, devenus sa signature. Le rythme s’est accéléré, les exigences aussi. « À Madrid, j’ai appris à jouer plus juste. Moins courir pour courir. Voir avant de recevoir », confiait-elle à la BBC. Elle n’est plus seulement une flèche : elle pense, elle anticipe, elle orchestre.
À la CAN 2022, de retour au Maroc, elle endosse enfin le costume. Titulaire indiscutable, trois buts inscrits, co-meilleure buteuse du tournoi, élue dans le XI-type de la compétition. En quart, c’est elle qui qualifie le Nigeria contre le Cameroun (1-0), d’un tir croisé tout en maîtrise. Ajibade, version impact immédiat.
Mais la fin laisse un goût de cendre. Suspendue pour la demi-finale face au pays hôte (1-1, 5-4 t.a.b.), elle vit l’élimination depuis le banc. Puis voit les Super Falcons céder face à la Zambie (1-0) dans le match pour la troisième place. Une campagne frustrante. Mais pour elle, une certitude : le Nigeria ne peut plus avancer sans Ajibade.
2024 : La capitaine, la voix qui porte
Elle n’a plus besoin de s’imposer. Depuis 2023, elle porte le brassard. Ce n’est pas une formalité, c’est une évidence. Sur le terrain, elle donne le ton. En dehors, elle tend la main. Rasheedat Ajibade est désormais cette figure tranquille, celle qui rassure, qui guide, qui parle peu mais juste.
Contre le Botswana, elle a livré une performance de fond : 81 ballons touchés, 8 duels gagnés, 5 passes clés, 3 frappes cadrées. Mais plus que les chiffres, c’est la manière. Elle oriente, temporise, relance, harcèle. Elle revient chercher les ballons bas, lance les attaques, gère les temps faibles. Elle a été partout. Sans jamais forcer. Avec lucidité. Avec autorité.
Rasheedat Ajibade n’a pas seulement changé de rôle en six ans. Elle a traversé les étapes avec une régularité rare. Elle est passée de l’ombre des anciennes à la lumière des responsabilités. Sans jamais trahir son style. Aujourd’hui, elle incarne un Nigeria moins flamboyant, mais plus structuré, plus patient, plus solide. Et dans ce collectif en quête d’une nouvelle couronne, c’est elle qui montre le chemin.