CAN U20 : un football africain en pleine mutation

À la veille de la grande finale de la Coupe d'Afrique des Nations U20 CAF TotalEnergies entre le Maroc et l’Afrique du Sud, ce dimanche au Caire, les experts techniques de la CAF et plusieurs recruteurs internationaux présents sur place dressent un constat clair : le football africain n’est plus en développement, il a déjà pris son envol.
Pour les membres du groupe d’étude technique (TSG) de la CAF et les scouts des plus grands clubs européens, ce tournoi U20 ne s’est pas contenté de révéler de futurs talents. Il a surtout mis en lumière la transformation en profondeur du jeu africain, sur le plan tactique, mental et structurel.
« On entend souvent dire que le football africain est en train de grandir. Moi, je réponds qu’il a déjà grandi », lâche Daniel Amokachi, ancien international nigérian, aujourd’hui membre du TSG. « Sinon, pourquoi aurait-on autant de joueurs africains qui brillent dans les plus grands championnats ? »
Une finale pour symboliser un cap franchi
Cette évolution s’est incarnée tout au long de la compétition et s’apprête à culminer ce dimanche, dans une finale entre deux nations qui incarnent à merveille cette mue tactique. Car au-delà des individualités, c’est une nouvelle manière de penser le jeu qui s’impose, du banc de touche jusqu’à la pelouse.
« Avant, on voyait des coaches africains hurler tout le match sur la ligne de touche. J’ai été l’un d’eux ! », sourit Amokachi, passé par Everton. « Aujourd’hui, ils restent calmes, posés, même quand leur équipe est menée. Ils transmettent leurs consignes avec maîtrise. C’est un signe fort. »
Le jeu gagne en nuances, les joueurs en intelligence
Autre observation majeure : l’évolution du jeu sur les côtés. « La majorité des buts et occasions décisives viennent des ailes », note Walter Steenbok, ancien directeur technique de la fédé sud-africaine et membre du TSG. « Mais il y a du raffinement. On voit des droitiers jouer à gauche pour rentrer et frapper, des combinaisons, une vraie discipline. Même menés, les joueurs restent fidèles au plan de jeu. »
Un calme et une rigueur mentale qu’on retrouve chez les deux finalistes. Le Maroc, solide et organisé, n’a concédé qu’un seul but dans le jeu. L’Afrique du Sud, elle, s’est frayée un chemin en gérant parfaitement ses transitions et ses temps faibles, à l’image de sa demi-finale maîtrisée face au Nigeria (1-0).
Un football qui s’adapte, qui pense, qui progresse
« Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est une capacité d’adaptation digne des meilleures nations », juge Mohamed Magassouba, ex-sélectionneur du Mali et de la RDC. « Les équipes changent de système en cours de match, gèrent le tempo, jouent avec intelligence. C’est le fruit d’une vraie formation en amont. »
Pour lui, l’Afrique produit désormais des joueurs à la culture tactique comparable à celle de leurs homologues européens ou sud-américains. « Certaines équipes ont une structure de jeu proche de ce qu’on voit au Brésil ou en Europe. Le football africain est sur la bonne voie. »
Les recruteurs confirment la tendance
Ce diagnostic est partagé par les recruteurs européens. Romain Albaric, du FC Sion (Suisse), salue « un resserrement des écarts ». « Au Ghana, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, les académies sortent des joueurs plus tôt prêts pour le haut niveau européen. La progression est réelle, et impressionnante. »
Pour Bennard Yao Kumordzi, recruteur à Genk (Belgique), le niveau technique global se rapproche peu à peu de celui observé en Europe. « Bien sûr, certaines équipes ont encore du mal sur les deuxièmes ballons, mais l’écart se réduit. Et on a vu des garçons qui ont clairement le potentiel pour percer dans les grands championnats. »
Vers une nouvelle identité du football africain
Reste des points à améliorer, comme le réalisme devant le but. « La finition, c’est encore le point faible du continent », reconnaît Amokachi. « Mais les occasions sont là, et c’est ce qui compte. Les buts viendront. »
Au-delà du titre en jeu entre Marocains et Sud-Africains, cette CAN U20 2025 semble avoir marqué un tournant. Le football africain se forge une nouvelle identité : toujours empreint de talent brut, mais désormais nourri par une culture tactique, une discipline mentale et une maturité stratégique qui le rapprochent du très haut niveau mondial.
Et si l’avenir s’écrit toujours demain, ce tournoi a prouvé que l’Afrique est déjà prête à jouer les premiers rôles dès aujourd’hui.