Gernot Rohr (Bénin) : “Être outsider n’est pas un problème en soi.”

- Sélectionneur du Bénin, Gernot Rohr s’apprête à disputer sa quatrième TotalEnergies CAF Coupe d’Afrique des Nations
- Sous sa direction, les Guépards ont terminé les éliminatoires de la Coupe du Monde 2026 avec 17 points, à égalité avec le Nigeria, confirmant sa montée en puissance sur le continent
- Fort de cette expérience et de la cohésion développée par Rohr et son staff, le Bénin vise désormais à franchir un cap au Maroc, avec l’ambition de sortir des phases de groupe et de s’affirmer comme une équipe à respecter
Sous la houlette de Gernot Rohr, le Bénin a entamé un nouveau chapitre de son histoire footballistique, visant à se hisser parmi les nations respectées du continent africain. L'entraîneur allemand, fort de son expérience avec le Gabon, le Niger et le Nigeria, a insufflé une nouvelle dynamique à une équipe béninoise ambitieuse. Sa philosophie de jeu, axée sur une défense solide et une transition rapide, a permis au Bénin de rivaliser avec des adversaires de renom.
Lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026, le Bénin a affiché des performances remarquables. Avec 17 points, l'équipe a égalé le Nigeria, une prouesse notable. Parmi les faits marquants, une victoire historique contre le Nigeria à Abidjan, mettant fin à leur invincibilité.
À l'approche de la CAN 2025 au Maroc, le Bénin se trouve dans un groupe difficile, comprenant le Sénégal, la RD Congo et le Botswana. Malgré ces défis, l'équipe nourrit l'ambition de dépasser les phases de groupe, avec l'objectif de remporter au moins un match et d'atteindre les quarts de finale.
Ce parcours témoigne de la progression du football béninois sous la direction de Gernot Rohr, qui, avec son expertise et sa vision, a su guider le Bénin vers de nouveaux horizons.
La TotalEnergies CAF Coupe d’Afrique des Nations, Maroc 2025, sera votre quatrième participation à ce tournoi. Que représente pour vous cette compétition dans votre parcours personnel ?
C’est une compétition de très haut niveau, riche en couleurs, en ambiance et en folklore, avec un intérêt sportif immense, car elle réunit véritablement les meilleures équipes africaines. Cette année, elle se déroulera dans un pays qui est devenu la référence du football sur le continent, ce qui rend encore plus agréable la participation avec le Bénin, qui n’avait pas pris part aux deux dernières éditions.
Quels souvenirs gardez-vous de vos trois dernières participations, que ce soit avec le Gabon en 2012, le Niger en 2013 ou le Nigeria en 2019 ?
Que de bons souvenirs ! Avec le Gabon, pays hôte, nous avions joué entre Libreville et Franceville. Nous avions remporté nos trois matchs de groupe, ce qui était sensationnel, car nous partagions le groupe avec la Tunisie, le Maroc et le Niger. Malheureusement, nous avons été éliminés aux tirs au but en quart de finale contre le Mali. Un excellent souvenir, car tout le pays était derrière son équipe.
La deuxième CAN fut avec le Niger, une petite surprise à l’époque, car le pays n’était pas encore une grande nation du football. Entre-temps, ils se sont beaucoup améliorés. Avec le Niger, nous avions battu la Guinée pour nous qualifier pour cette CAN, qui se déroulait en Afrique du Sud.
Enfin, avec le Nigeria, nous avons réalisé un très bon tournoi : nous avons éliminé l’Afrique du Sud (2-1) en quart de finale, puis, après un match héroïque perdu contre l’Algérie (1-2), future championne d’Afrique, nous avons remporté la médaille de bronze en battant la Tunisie (0-1) lors de la petite finale.
En quoi la CAN a-t-elle évolué, selon vous, au fil des années ?
La Coupe d’Afrique des Nations a considérablement évolué, notamment avec l’augmentation du nombre d’équipes : elles sont désormais 24, contre seulement 16 auparavant. Elle s’adapte également aux avancées technologiques en intégrant la VAR, un outil essentiel.
Par ailleurs, sur le plan de l’organisation, les choses se sont nettement améliorées. Après avoir assisté en tant que consultant à la dernière CAN en Côte d’Ivoire, déjà d’un très haut niveau, je suis convaincu que le Maroc fera encore un pas de plus pour exceller dans tous les aspects : technologie, organisation, équité sportive, accueil des équipes, préparation et infrastructures indispensables pour permettre une préparation optimale.
Ça fait des années et des années que Gernot Rohr côtoie le continent africain. Est-ce que vous avez encore le sentiment de devoir prouver quelque chose ?
On doit toujours prouver quelque chose. Partout où l’on est et partout où l’on passe, il faut démontrer qu’on a les capacités d’apporter quelque chose à ces joueurs, mais aussi au football du pays, à travers une attitude professionnelle et exemplaire, ainsi qu’un état d’esprit essentiel dans ce sport. Le football n’est pas une guerre, mais un combat, et le respect est primordial. Il faut être conscient que l’on joue pour un pays entier, et non pour une ville ou une région.
Nous avons toujours des choses à prouver. Avec le Bénin, nous devions montrer que nous pouvions nous qualifier pour une CAN et jouer un rôle lors de la Coupe du Monde, où nous avons failli. Si nous avions remporté le dernier match au Nigeria, nous y serions parvenus. Ainsi, nous avons toujours cette envie de prouver que nous pouvons faire progresser des pays, tant sur le plan du football que des résultats.
Pour cette édition 2025 de la TotalEnergies CAF Coupe d’Afrique des Nations, le Bénin est dans le Groupe D. Avec le Sénégal, la République Démocratique du Congo et le Botswana, quel est votre regard sur ce groupe ?
Nous avons un groupe très relevé. Le Sénégal et la RD Congo sont deux grandes nations du football africain, et le Botswana est un pays qui progresse rapidement. Il y aura donc de très grands matchs à disputer.
Nous commençons avec la RD Congo pour notre premier match. Demi-finaliste de la dernière CAN et toujours en lice pour les barrages de la prochaine Coupe du Monde, ce sera un adversaire redoutable. Ensuite, nous affronterons le Botswana, un match qu’il faudra absolument gagner pour espérer sortir de cette poule. Le Botswana possède une équipe solide, combative et très physique.
Enfin, le troisième match contre le Sénégal se jouera à Tanger. Ce sera un affrontement contre des adversaires que nous connaissons bien, puisque nous les avons déjà rencontrés à trois reprises ces dernières années, que ce soit lors des éliminatoires de la Coupe d’Afrique ou en match amical, comme à Amiens (ndlr : victoire des Lions de la Teranga 1-0), où nous avions disputé un match très intéressant.
C’est donc un groupe difficile et exigeant, mais nous avons vraiment l’ambition de le dépasser.
Beaucoup d'observateurs ont salué la qualité du jeu du Bénin lors des qualifications pour la Coupe du Monde 2026, même si la qualification n'a pas été au bout. Quel regard portez-vous sur cette campagne que vous venez de vivre ?
C’était une campagne très intéressante, étalée sur deux ans et demi, ce qui est assez particulier. Nous avons dû effectuer de nombreux déplacements en Afrique du Sud, car le stade du Bénin n’était pas homologué. Pendant toute cette période, nous avons donc joué tous nos matchs à l’extérieur, ce qui n’a pas été un avantage. Beaucoup de voyages, alors que d’autres équipes, comme l’Afrique du Sud, bénéficiaient de conditions plus favorables, puisque certains matchs à l’extérieur, contre le Zimbabwe, se déroulaient aussi en Afrique du Sud. Cela représentait un certain avantage pour eux.
Malgré tout, nous avons progressé dans ce domaine. L’équipe est devenue mentalement plus solide grâce à ces nombreux déplacements et à l’absence presque totale de soutien lors des matchs à domicile. L’équipe a mûri, même si elle a été rajeunie : nous avons intégré plusieurs joueurs issus des U20, et la moitié de l’équipe actuelle provient de cette génération d’il y a deux ans.
Nous cherchons encore des moyens d’élever notre niveau de jeu. Je pense que cela reste possible grâce à une préparation sérieuse en novembre et à un dernier stage, certainement au Maroc, pour aborder dans les meilleures conditions notre premier match contre la RD Congo.
Compte tenu de la dramaturgie de ces qualifications, du fait que le Bénin ait été, un temps, en position de se qualifier pour la Coupe du Monde, et de la qualité de jeu que vous avez affichée, pensez-vous que cette expérience puisse servir de véritable tremplin pour aborder la CAN 2025 ?
Je pense que cela peut effectivement servir de tremplin, surtout en tant qu’expérience riche. Nous avons terminé avec 17 points, autant que le Nigeria, ce qui constitue déjà un capital confiance important. Nous avons été la seule équipe à battre le Nigeria à Abidjan, alors qu’il restait invaincu dans tous les autres matchs. Nos seuls regrets concernent les deux premiers buts encaissés au Nigeria lors du match décisif. Ces situations auraient mérité, selon moi, une décision différente et nous auraient permis d’obtenir davantage de justice.
De plus, ce tournoi implique de nombreux déplacements, parfois avec très peu de récupération entre les matchs, car voyager en Afrique n’est pas toujours simple. Cependant, cette expérience nous a permis de nous structurer, de nous renforcer et de nous préparer mentalement. Toutes ces expériences seront précieuses pour aborder la CAN avec de meilleures chances de réussite.
Le Bénin est souvent qualifié comme une équipe “surprise”. Est-ce que vous vous plaisez dans ce rôle d'outsider ?
Être outsider signifie que l’on n’est pas considéré comme une grande équipe. Pour ma part, ce rôle ne me fait pas peur. C’est une réalité quand on regarde le classement FIFA : nous ne sommes pas encore dans une position où nous pouvons être favoris face à des équipes mieux classées. Le classement reflète tout ce qui s’est passé ces dernières années, et pour progresser, il faut une série de résultats solides.
Être outsider n’est pas un problème en soi, mais cela peut parfois entraîner des décisions arbitrales défavorables. On se demande parfois si le fait d’être un petit pays ne joue pas contre nous. Dans ce contexte, un petit pays doit se battre deux fois plus pour sortir de ce rôle.
Aujourd’hui, avec la qualification à la CAN et la belle campagne lors des éliminatoires de la Coupe du Monde, je pense que le Bénin, qui a d’ailleurs changé de surnom, passant des Écureuils aux Guépards, est sur la bonne voie pour devenir un pays respecté dans le football africain.
Quels sont vos objectifs pour cette TotalEnergies CAF Coupe d’Afrique des Nations ?
Pour cette CAN, notre premier objectif est de remporter un match. Lors de la dernière édition en 2019, le Bénin avait terminé les huitièmes de finale avec trois matchs nuls, sans victoire, excepté au tir au but. Cette fois, nous voulons absolument gagner. Tout en restant humbles, notre ambition est de sortir de ce groupe. Malgré la présence du Sénégal et de la RD Congo, il est impératif de battre le Botswana et, pourquoi pas, d’obtenir quelque chose contre les deux autres équipes. Ce ne sera pas facile, mais c’est réalisable, car mon équipe a considérablement progressé.
Et enfin, dernière question, quel titre aimeriez-vous lire dans les journaux après la CAN ?
Le miracle du Bénin ! En référence de la victoire en finale de la Coupe du Monde 1954, lorsque l’Allemagne avait battu la Hongrie 3-2 en Suisse. Et là, on voudrait faire le miracle du Bénin.